Investigation sur l'immersion
'Le journalisme en immersion consiste pour le journaliste à intégrer un milieu spécifique, à quitter son identité de journaliste pour emprunter celle de la population qu’il souhaite intégrer. Le journalisme en immersion s’inscrit dans la lignée d’un journalisme qui s’apparente davantage à la démarche d’Albert Londres (?Chez les fous?) et dans celle de la méthode d’enquête sociologique dite “?l’observation participante?.
Toutefois, il questionne, provoque et provoquera sans nul doute de nombreuses controverses lors du débat ce jeudi 3 octobre 2013: Journalisme d'investigation, jusqu'où peut-on aller?
Les enquêtes du journalisme allemand Günther Walraff qui tantôt pris l’identité d’un ouvrier turc (Tête de Turc) en 1987, puis d’un somalien en 2009 (Noir sur Blanc) ont participé au développement de ce genre journalistique. Plus récemment Florence Aubenas avec son enquête, ?Le Quai de Ouistreham? a largement participé à relancer cette forme d’enquête journalistique.
Les principaux motifs de contestation du journalisme en immersion tiennent à la dimension éthique. En effet, il est communément accepté par la classe journalistique et précisé dans certaines chartes que le journaliste ne doit pas dissimuler son identité pour obtenir des informations. Mais le journaliste ne peut-il pas contourner exceptionnellement cette règle quand il s’agit d’intégrer un milieu difficile d’accès ? Dans ce cas le journaliste n’est plus un observateur objectif mais un acteur, qui doit composer avec sa subjectivité, son ressenti, et les principes journalistiques. Le journalisme en immersion verse-t-il donc dans le journalisme militant ? Enfin le journaliste en se protégeant derrière une fausse identité ne trahit-il pas la confiance des personnes qu’il a côtoyées durant plusieurs semaines ?
Certains journalistes défendent le journalisme en immersion considérant qu’il apporte une réelle plus-value au journalisme à l’heure où les firmes de communication et de relations publiques jettent un voile sur de nombreux acteurs de la société. Cet argument est pertinent mais contestable. En effet les journalistes en immersion intègrent le plus souvent des milieux qui ne sont pas nécessairement protégés par le sceau de services de communication, ce sont souvent des ?milieux oubliés de la société? (les sans domicile fixe, les ouvriers, les communautés). Si le journalisme d’immersion est un journalisme nécessaire et d’intérêt public, le cadre et les règles de sa pratique restent encore à définir.'
Camille LAVILLE
Présidente de la section Presse-Info