Covid 19 : avant, pendant, après ? Digest d'une journée riche en échanges
Le 1er mars, l'IHECS organisait une journée d'échanges autour de la Covid entre différents intervenants aux disciplines variées. Parmi eux, des intervenants connus du grand public qui, pour la plupart ne s'étaient jamais croisés sur les plateaux télévisés. L'objectif était de tirer un bilan au bout de deux années de crise au travers de différentes thématiques: de la vaccination en passant par les aspects juridiques, la prise en charge médicale ou encore les conséquences psychologiques et sociales sur le court, moyen et long terme.
Retour sur cette journée qui a débuté par le discours de Jean-François Raskin, administrateur général de l'IHECS
"Au nom de l’IHECS je voudrais vous remercier de votre présence aujourd’hui. Nous sommes très fiers d’accueillir des personnalités importantes qui, depuis des mois, chacune dans son domaine et sa spécialité, nous ont aidés à comprendre et à passer le cap de cette pandémie, pour autant qu’elle soit réellement dans ses dernier soubresauts. Merci aussi d’être là, alors que l’actualité et les médias semblent davantage préoccupés par la tragédie ukrainienne. L’actualité a ce pouvoir de faire passer la réalité d'hier comme un événement historique et dépassé. Fini donc les variants, les virus, le CODECO et les manifestations. Dans nos environnements multibranchés, les tragédies ne sont qu’éphémères et d’une précarité étonnante.
Nous avons voulu aujourd’hui nous arrêter un peu sur ce qui s’est passé. Bien sûr nous ne pourrons pas aborder tous les aspects, imparfaitement d’autres, mais avec la promesse que nous poursuivrons l’expérience dans les mois qui suivent.
Depuis 2 ans, nous essayons de comprendre, sans être médecin, biologiste, virologue, chercheur en micro biologique. Nous qui formons des futurs journalistes, des communicants, des hommes et des femmes qui utiliseront plus tard les moyens rhétoriques pour se faire comprendre, pour raconter une histoire, pour tenter d’approcher une vérité, fut-elle momentanée et remise sans cesse en question. Mais n’est-ce pas l’essence même de la recherche ? S’approcher de la vérité qui se dérobe au fur et à mesure que l’on s’approche d’elle. Il n’y a pas de vérité scientifique au nom de la méthode elle-même. Ce que Merton appelait le scepticisme organisé.
Jusqu’il y a quelques mois, l’organisation de la discussion scientifique s’opérait dans les laboratoires et les cénacles des colloques réservés aux initiés et avertis. Cette pandémie a révélé ce que les profanes ignoraient : les scientifiques ne sont pas toujours d’accord. Le mythe prométhéen que le savoir suffirait et que rien d’humain n’a d’importance puisque la science aurait réponse à tout en a vraiment pris un coup. Nous laissant quelque part dans le désarroi, la crainte des lendemains et l’angoisse de la souffrance et de la mort.
Chacune et chacun d’entre nous a cherché à comprendre, a pris parti pour l’un ou l’autre, s'est érigé en spécialiste, a alimenté les conversations de bistrots quand ils étaient ouverts, les repas entre amis et familles, quitte à se disputer d’ailleurs. « Moi je trouve que Raoult dit vrai », « Moi je trouve que c’est un assassin », moi je trouve que le vaccin c’est dangereux, d’ailleurs je l’ai lu » « C’est moins dangereux qu’un Mac Do. D’ailleurs je l’ai lu aussi » ….
Comme en foot où le nombre d’entraineurs se multiplie par milliers lors d’un match, nous nous sommes trouvés avec des millions de spécialistes des coronavirus et plus spécifiquement du SARS-CoV-2 syndrome respiratoire aigu sévère, c’est-à-dire du virus à ARN monocaténaire de polarité positive du groupe IV de la classification Baltimore.
Entre les fous du labo, les obsédés de la seringue, les antivax antitout et les complotistes patentés, il y avait sans doute de l’espace pour débattre et comprendre, sereinement, des mesures à prendre et de la politique à mener car s’il s’agissait bien de la capacité d’accueil des services hospitaliers, il s’agissait aussi de la santé mentale de la population, de restrictions de nos libertés fondamentales, de la politique de santé, de la vie sociale, bref de sujets qui méritaient peut-être autre chose que les efforts pédagogiques du gouvernement pour nous persuader que les décisions prises étaient les bonnes voire les seules à prendre, laissant aux réseaux sociaux le monopole des discours divergents avec tous les risques de fake news et de désinformation que ces nouveaux médias autorisent.
Cette journée, nous l’avions souhaitée depuis longtemps, et je dois dire que nous ne l’espérions plus tant les clivages paraissaient insurmontables, tant le dialogue et le débat public nous paraissaient impossibles. Et donc encore merci à vous d’être présents aujourd’hui. Nous n’aborderons pas toutes les questions. Une journée c’est peu. Nous pensons aux conséquences psychosociales qui mériteraient sans doute une, voire plusieurs journées, la problématique du Covid Long, les questions liées aux modèles mathématiques et aux interprétations des chiffres, à la question justement des médias et à la manière dont ils ont couvert ces 2 années…
Nous y reviendrons sans doute plus tard, nous et peut-être d’autres. L’histoire n’est pas finie".