Being 20 in Lima "La grise"
Il y a quelques semaines, Thierry Maroit et Laurent Poma, professeurs à l’IHECS, étaient à Lima dans le cadre d’un workshop en photojournalisme pour des étudiants l’Université San Ignacio de Loyola. L’occasion pour ces chasseurs d’images d’observer un phénomène très particulier:
« C’était la première fois que je vivais une expérience aussi particulière, on a l’impression qu’il va pleuvoir, mais il ne pleut jamais ou très peu, mais par contre il y a un taux d’humidité assez élevé car on est au bord de l’océan. L’océan avec de grosses vagues qui dégagent une brume permanente », ce phénomène que décrit Laurent Poma, professeur de photographie à l’IHECS, porte le nom de Garua, en français la bruine.
Dans la ville de Lima, que les habitants nomment eux-mêmes « Lima, la grise », cette bruine a la particularité d’être quasi constante car elle est coincée par la Cordillère des Andes. Un phénomène naturel qui s’inscrit sans le vouloir dans une certaine tendance de la photographie contemporaine qui consiste à tenter de gommer les contrastes « Pour un photographe contemporain qui cherche vraiment ce genre d’atmosphère, il y a vraiment moyen de s’éclater, j’ai d’ailleurs beaucoup aimé cette absence de contrastes qui génère un sentiment d’étrangeté et donne à la ville une dimension presque mystique ».
Thierry Maroit ajoute qu’au-delà de cette brume qu’il n’avait lui non plus jamais pu observer ailleurs, il y a aussi la poussière émanant du désert et la pollution qui contribuent à diffuser la lumière. Selon lui, si la lumière permet peu de contrastes, ceux-ci se marquent davantage dans l’architecture et dans l’agencement disparate de la ville « il y a pas mal d’endroits qui sont très colorés, comme si les habitants de Lima souhaitaient compenser cette chape de brouillard par la couleur. On retrouve aussi dans les constructions des styles totalement différents qui cohabitent : du Bauhaus, de l’Art déco en passant par des maisons à colombages ». Laurent Poma a lui aussi pu constater un contraste très marqué entre les classes sociales, une inégalité perceptible également au niveau architectural.
Crédit Photo: Thierry Maroit |
Si cette atmosphère a pu troubler nos deux enseignants, pour les étudiants de l’Université San Ignacio de Loyola (USIL) qui vivent en permanence à Lima, ce climat n’a pas vraiment d’incidence sur le choix des thèmes qu’ils ont choisi d’aborder dans leur reportage photographique « Finalement on retrouve des similitudes dans les préoccupations chez les étudiants avec lesquels nous avons travaillé, qu’ils soient moscovites, bruxellois ou Liméniens : la question des transports, le mal-être individuel, la question du genre, l’identité féminine, le rapport au travail en tant qu’étudiant et la vie estudiantine » soulignent nos deux enseignants. Laurent Poma ajoute que la question des transports est particulièrement pregnante chez les étudiants vivant à Moscou et à Lima compte tenu de la taille de ces deux métropoles.
A la question de savoir ce qui diffère quant à l’approche de l’enseignement de la photographie entre l’IHECS et les institutions visitées, Laurent Poma répond qu’à l’IHECS « on s’éloigne d’une méthode qui est sans doute plus « classique », c’est-à-dire axée sur la technique. On est plus dans un dialogue que nous instaurons avec les étudiants que nous accompagnons dans leur réflexion et dans la réalisation de leur sujet ». Les deux enseignants rappellent également que la durée des ateliers diffère d'une ville à l'autre. L'atelier de Lima était très court, mais avait l'avantage de favoriser la spontanéité.
A ce stade du projet « Being 20 in… », ce qui réjouit nos deux formateurs, c’est que l’atelier séduit en dehors des workshops organisés dans le cadre des échanges internationaux. Ce succès est notamment lié à l’intervention de Renato Meza, qui enseigne la photographie à l’USIL et qui encourage les étudiants qui n’ont pas forcément participé à cet atelier à alimenter le compte Instagram du projet, dès lors que leur démarche photographique s’inscrit dans la thématique « avoir 20 ans à Lima ». Le compte continue donc à vivre en l’absence de nos enseignants. « Mon rêve, c’est que des chercheurs s’intéressent aux grandes questions transversales qui pourraient apparaître à travers des collections de stories » confie Thierry Maroit à l’issue de l’interview.
Ce qui est certain pour l’instant, c’est que Renato Meza viendra à son tour en Belgique pour animer un atelier avec nos étudiants en Master 1 PI en mars prochain, encadré par Pauline Beugnies, ancienne étudiante à l’IHECS et aujourd’hui photojournaliste reconnue. Un atelier qui permettra d’enrichir encore le compte Instagram et nous faire découvrir l’univers de la jeunesse dans ce qu’elle a de plus sombre et/ou de plus merveilleux*.
*Les travaux des étudiants de Université d’Etat Lomonosov devraient bientôt rejoindre la collection de photos sur le compte Instagram.
Ce projet a été financé par le volet Dimension internationale du programme Erasmus +.