L’IHECS au Burkina Faso : la recherche au service d’une sécurité participative

16.12.2024
Du 26 octobre au 3 novembre, Emmanuel Wathelet, président du Master en Éducation aux Médias, s’est rendu à Ouagadougou pour le lancement du projet ARES « FASO-LAAFI ».

Pendant cinq ans, l’équipe composée de professeurs burkinabé et belges auront pour mission l'analyse de la situation sécuritaire au Burkina Faso en s’appuyant sur la recherche en information et communication, les sciences politiques et la sociologie. L’objectif sera de proposer une gouvernance participative qui mette ensemble des acteurs de la sécurité aux intérêts parfois contradictoires.

Le contexte sécuritaire et politique au Burkina Faso est difficile. Les attaques se multiplient. Des villages sont régulièrement massacrés - sans que ni la presse burkinabé, ni la presse internationale n’en fassent écho. L’information ne se propage que par le bouche-à-oreille, nourrissant la peur et entretenant la confusion.

En cause ? Des conflits démographiques, géographiques et fonciers - notamment entre des populations sédentaires mais en croissance et des populations pratiquant le pastoralisme nomade. Le racisme inter-ethnique, sur base d’esclavage, est encore d’actualité et participe aux difficultés et à la frustration de certaines populations qui, suspectant de surcroît des ingérences internationales, constitue un terreau fertile à l’extrémisme religieux. On le voit : le caractère explosif est multifactoriel, rendant vain l’espoir d’une solution unique.  

La sécurité aux mains d’acteurs aux intérêts contradictoires

Dans ce contexte sécuritaire extrêmement tendu, l’instabilité politique semble inévitable. Ces dernières années, plusieurs coups d’État militaires ont eu raison du gouvernement élu de Roch Kaboré, lequel avait perdu toute crédibilité aux yeux de la population. L’actuel président, le capitaine Ibrahim Traoré, avait promis de restaurer la paix et la sécurité lorsqu’il prenait le pouvoir en 2022. Le défi n’est pas (encore ?) atteint et il est de taille : les difficultés économiques et humanitaires provoquent des milliers de déplacés et des territoires sous contrôle de groupes armés.

Sur le terrain, une « sécurité par le bas » s’organise. Des groupes d’autodéfense se constituent pour protéger les villages. Par exemple, les communautés Rugga ou les Kogl Weogo, dégoûtées de l’absence d’efficacité de la police et de la justice face au banditisme, ont monté leur propre écosystème punitif. En parallèle, des concurrences de plus en plus tangibles émergent entre la police régulière, l’armée officielle, des corps armés appelés « volontaires pour la patrie », des services de sécurité spécifiquement liés à des ministères ou encore des entreprises de sécurité privée. L’insécurité produit des replis sur soi et des réactions de protection qui, en miroir, nourrissent l’insécurité.

Le rôle de la recherche en communication

Si la recherche fondamentale n’a pas pour vocation de produire des solutions directement exploitables, il n’en reste pas moins qu’en établissant des analyses complètes faisant justice à la complexité des situations, elle constitue une première étape nécessaire. C’est ainsi que, sous l’impulsion du Dr. Bouraïman Zongo (Université Ki-Zerbo) et du directeur du développement institutionnel et de l’innovation, François Bangou, le projet de recherche « FASO-LAAFI » (qu’on pourrait traduire par « la paix, la santé pour le Burkina Faso ») a vu le jour.

Le partenariat engage les professeurs des universités burkinabé Ki-Zerbo, Nazi Boni et Sankara avec l’UCLouvain et l’IHECS en Belgique. L’équipe aura pour mission, par la recherche fondamentale et la recherche appliquée, d’analyser la situation sécuritaire au Burkina Faso et de proposer des pistes d’améliorations en faisant se concerter des acteurs aux intérêts situés et variables. La communication est y centrale : c’est par elle que se crée des relations de confiance, des négociations, l’établissement d’accords, etc. Dans un contexte où l’information sur l’actualité est aussi difficile, on comprend combien l’éducation aux médias joue également un rôle fondamental.

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs résultats sont attendus : la réalisation de trois doctorats (en sciences de l’information et de la communication ; en sociologie et en sciences politiques), douze mémoires de master (notamment en éducation aux médias), des formations pour les acteurs de la sécurité et une plateforme d’information et de vulgarisation des enjeux sécuritaires.

Un article d'Emmanuel Wathelet, Président du Master en Éducation aux Médias