Mammouth
Code de conduite et CARE TEAM, le BIFFF, Brussels International Film Fantastic, se renouvèle.
Un code de conduite, une CARE TEAM et une « Safer Space» sont les nouvelles structures mises en place par le BIFFF, Brussels International Film Fantastic Festival pour sa 43e édition. Du changement et renouvèlement que l’équipe du festival jugeait plus que nécessaire en dépit des incidents survenus lors de de la précédente édition.
Lors de la conférence de presse du festival ce 19 mars à l’hôtel de ville de Bruxelles, l’équipe a ainsi rappeler : « L’essentiel, c’est que l’on préserve l’esprit du BIFFF et surtout notre public fidèle, qui comprend la différence entre exutoire et défouloir. » La particularité du BIFFF est de laisser le public s’exprimer pendant les séances. Les personnes peuvent ainsi se permettre d’intervenir dans la salle contrairement au sein des salles de cinéma « classique ». Ainsi, plus il il y a d’interventions et de réactions, plus cela est jugé positif pour le festival.
Le BIFFF face à la polémique
En 2024, pour sa 42e édition, le caractère si récréatif du festival a soudain pris une toute autre envergure. Le BIFFF projetait le film « Love lies bleeding » avec Kristen Stewart et Katy M.Obrian. Un thriller romantique qui raconte l’histoire d’amour tumultueuse entre une bodybuildeuse et une auto-stoppeuse. Dans la salle se trouvaient des personnes qui ne connaissaient pas les codes du festival. Mais vers le milieu du film, la séance a été soudainement interrompue par des propos jugés « lesbophobes » tenus haut et fort par certains spectateurs qui ont commencé à se moquer et à juger le caractère lesbien su film. Une partie du public, membre de la communauté LBGTQIA+, s’est sentie visée et a rétorqué face à ces insultes. S’en est suivie alors une confrontation entre les personnes qui défendaient leur communauté et identité et ceux qui les jugeaient. Une partie du public s’est sentie jugée et offensée et a quitté la salle. L’équipe du festival, dont une partie a été violentée mentalement et physiquement, ainsi que la police ont dû intervenir. En 42 ans d’activité, cela ne s’était jamais produit au sein de ce festival, à la renommée internationale.
Emma Fontaine, bénévole depuis des années au festival, était présente lors de l’événement. Choquée et gênée, elle se souvient d’une escalade de violence « horrible » qui a été, selon elle, mal gérée par le festival et craint maintenant que de tels événements se reproduisent à l’avenir.
Jonathan Lenaerts, attaché de presse du festival, ne s’attendait pas à de tels propos et accuse les médias qui n’ont pas décrit la réalité des fait. « Ca n’a jamais été aussi violent que ce que ces derniers prétendent. » dit-il. « Si ce que les médias ont décrit s’étaient réellement passé, certains grands producteurs importants présents seraient parti directement du festival et se seraient désolidarisé du festival ». Jonathan Lenaerts appuie néanmoins sur le fait qu’il est important que le festival évolue et que l’équipe doit contextualiser le festival afin que chaque spectateur soit conscient de l’atmosphère du festival.
Le BIFFF s’adapte
Suite aux événements polémiques de la saison précédente, l’équipe du festival a décidé pour la première fois de mette en place un code de conduite. Ce code vise à rappeler qu’aucune forme de violence morale et physique sera toléré pendant le festival comme du racisme, de la misogynie, et toute autre forme d’ intimidation à caractère discriminatoire portant atteinte à autrui. Les festivaliers qui ne respecteront pas ce code seront sanctionnés en étant expulsé du festival par un retrait de pass, accréditions ou billets et ce sans remboursement possible. Des vidéos de préventions seront également projetées avant certaines séances du festival.
Le BIFFF intègre également cette année une CARE TEAM. Déjà très rependue dans une dizaine de festivals, la CARE TEAM du BIFFF, située au stand Safer Space, composée de bénévoles, sera un lieu où toute personne qui se sent confrontée face à des propos inappropriés pourra venir s’exprimer et sera accompagnée pour trouver des solutions. La CARE TEAM aura reçu une formation par le Plan Sacha, un Plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, spécialement conçu pour les milieux festifs, pour prendre en charge les victimes, les écouter, les amener dans un lieu calme et sécurisé et signaler ces situations aux autres niveaux de sécurité pour mieux et plus vite identifier d’éventuels agresseurs et agresseuses. Cela permettra de cette façon à œuvrer à la « désescalade » de la situation.
Nino était présente à la projection de « Love lies bleeding ». Iel comme les autres personnes qui s’étaient senties visées par les remarques discriminantes, se souvient avoir été forcée de quitter la salle et non les agresseurs ce qu’iel ne trouve pas normal du tout. Nino pense que l’intégration de cette CARE TEAM n’est pas suffisante pour encadrer et protéger le festival de de toute agression discriminante. Selon iel, il faut que l’équipe agisse en amont en intégrant par exemple une équipe composée de personnes qui ne sont pas propices à ce genre d’agression qui s’occuperait des agresseurs pendant le festival.
Laura, membre de l’équipe du BIFFF, est quant à elle confiante sur la mise en place de cette nouvelle structure : « Via la Care Team on peut nouer le dialogue sur tout un tas de choses, amener une conversation sur des sujets qui divisent parfois, avec pour but une meilleure compréhension des sensibilités de chacun et chacune. »
Le BIFFF proposera également 4 séances « silencieuses » qui permettra aux spectateurs qui le désirent de profiter des séances dans le calme complet.
Un avenir compromis
Bien que la 42e édition ai été très impactée, l’équipe du festival est belle et bien déterminée à avancer et à se relever des incidents. Mais le BIFFF doit désormais faire face à l’absence de garantie de financement de la part du gouvernement bruxellois qui n’est pas pleinement opérationnel et qui pourrait compromettre l’édition 2026 du festival.
Toutes les informations sur l’édition 2025 : https://www.bifff.net/
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Dysfonctionnement de la justice: l’État belge est-il coupable ?
L’auditoire du Janson, sur le campus de l’Université Libre de Bruxelles, accueillait le mercredi 19 mars au soir des professionnels de la justice pour un procès fictif “Justice contre État belge”. Fictif sur la forme, ce procès était bien réel sur le fond: il visait à dénoncer les dysfonctionnements, les manques de moyens et la lenteur de la justice ainsi que les nombreuses violations de l’État de droit.
Le plus grand auditoire de l’ULB était transformé, pour un soir, en salle d’audience. “Le spectacle va commencer, je vous souhaite agréable. La cour !” Sur ces paroles prononcées par l’organisatrice de l’événement, Manuella Cadelli, les magistrats, la présidente et le procureur du roi ont fait leur entrée, suivis des accusés et de leur avocat, sous les applaudissements du public qui ferait office de jury.
“Choisir entre une rame de papier ou du papier toilette« . C’est l’exemple donné par Audrey Lackner, représentante de la justice, pour dénoncer le manque de moyens dont souffre le système judiciaire belge. Toute la soirée, les intervenants se succèdent pour témoigner devant le jury. C’est au tour de l’État belge, représenté par Jacques Englebert, qui opte pour une défense sur le ton de l’humour. Sur le même ton, une magistrate suggère de recourir à un crowdfunding pour financer la justice!
Dans son introduction, la magistrate Manuela Cadelli avait rappelé que le monde judiciaire a lancé son cri d’alarme il y a dix ans. Jeudi 20 mars 2025 marque en effet le dixième anniversaire de la “Journée de la Justice”. Durant cette période, certaines choses ont changé mais beaucoup trop lentement tandis que d’autres ont empiré. Plusieurs grands noms du monde judiciaire belge, notamment Jean De Codt, ancien président de la Cour de Cassation, Laurence Massart, première présidente de la Cour d’Appel de Bruxelles, et Jean-Pierre Buyle, ancien bâtonnier, ont abondé dans cette direction.
Des témoins ont été appelés à la barre, comme l’expert en économie belge Bruno Colmant et le procureur du roi de Bruxelles Julien Moinil. Ce dernier a témoigné du burn-out dû au manque de personnel, du nombre démesuré de jugements non exécutés (le plus ancien datant de 2021) et des délais excessifs des jugements. Mais le témoignage qu’on retiendra le plus, c’est celui de Nathalie Penning : “quand la cour de cassation cassera, je serai grand-mère”. Une phrase choc qui dénonce les arriérés judiciaires et la durée insoutenable du jugement.
À l’issue de ce procès et des échanges avec le public, 509 personnes ont été amenées à voter simultanément pour rendre le verdict. Appelé à se prononcer sur la culpabilité de Justice et de l’État belge, le jury a rendu une décision sans ambiguïté: l’État belge est jugé coupable à 96% tandis que la Justice est déclarée innocente à 77,9%. Toujours sur un ton humoristique, Jacques Englebert, qui incarnait l’État belge, est venu en tendant les poignets auprès du procureur en signe d’accord avec la décision.
Une pétition remise à la ministre de la Justice
Au lendemain de cette fausse condamnation de l’État belge, une délégation de 7 acteurs clés du secteur judiciaire a été accueillie, dans le bureau de la nouvelle ministre de la Justice, Annelies Verlinden. Parmi eux, la bâtonnière de l’Ordre francophone des avocats du barreau de Bruxelles, Marie Dupont, le président d’Avocats.be Stéphane Gothot, le premier président de la Cour de cassation, Eric de Formanoir, ainsi que le procureur général de Bruxelles, Frédéric Van Leeuw.
Le but de cette rencontre : la remise en main propre d’une lettre qui tire la sonnette d’alarme en faveur d’une justice indépendante, démocratique, accessible, efficace et humaine.
“La justice n’est pas seulement la justice de la lutte contre le terrorisme, le grand banditisme, et le trafic de drogue. Tout ça est essentiel, (…) mais il y a aussi la justice de tous les jours”, a déclaré Eric de Formanoir à l’issue de la rencontre.
Les demandes pour remettre sur pied la justice belge n’ont pas changé en 10 ans : des moyens budgétaires suffisants, mais aussi une véritable réforme du secteur pour assurer une meilleure gestion de la Justice avec les moyens existants.
La lettre remise à la ministre Verlinden est d’ailleurs accessible en ligne au public, afin de récolter les signatures des citoyens, qui subissent aussi le manque de moyens. Stéphane Gothot explique: “Nous (les avocats) sommes tous les jours confrontés au désarroi de nos clients qui, dans ce qui est souvent l’affaire de leur vie, attendent une solution judiciaire dans un délai raisonnable et qui ne l’obtiennent pas« .
La ministre de la Justice a fait des promesses de collaboration avec le secteur. Les membres de la délégation se montrent relativement satisfaits, même s’ils restent conscients que la prudence est de mise dans le contexte actuel. A l’heure du refinancement de la Défense, celui de la Justice pourrait être moins prioritaire.
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L’appareil photo, outil de rencontre
Photo: Louise Joenen
De jeunes sœurs yéménites éclatent de rire dans les bras d’un couple palestinien accueillis au centre Fédasil de Spa. Un chef pâtissier guide les mains d’un apprenti en situation de handicap sur une poche à douille dans la boulangerie inclusive Farilu. Dans la salle commune d’une occupation temporaire, les habitant·es du Rockin Squat préparent un repas communautaire sur base de produits de récup’. Des hommes en quête d’un avenir meilleur se forment à l’informatique dans un centre d’urgence de la Plateforme citoyenne BelRefugees. Sous un parasol installé dans la véranda du centre de jour Atoll, des personnes âgées viennent rompre leur solitude en entamant une partie d’UNO…
Toutes ces scènes de vie ont été immortalisées par quatorze étudiant·es de Master 1 en Presse Info lors d’un atelier photo sur des tiers-lieux à visée sociale. Encadré·es par la photojournaliste Marie Tihon et leur professeur de photo Laurent Poma, ils et elles étaient chargé·es de mettre en lumière des espaces de solidarité et témoigner des liens qui s’y tissent. Les consignes étaient simples : produire un reportage avec une approche constructive qui raconte une histoire en une série de photos. Cela passe par le choix d’un tiers-lieu et d’un angle bien précis, ensuite par des repérages, des interviews et beaucoup d’observations en passant du temps sur le terrain. Une importance était particulièrement donnée à la démarche utilisée pour nouer des contacts, faire accepter la présence de l’appareil photo et créer des liens de confiance avec les personnes photographiées. Il suffit de jeter un œil à l’ensemble des productions des élèves pour se rendre compte que toustes ont réussi à sortir de leur zone de confort pour oser la véritable rencontre avec l’Autre. C’est avec brio qu’ils et elles ont pu s’immiscer dans des lieux de partage et rendre compte des bienfaits apportés par toutes les personnes qui font vivre ces structures. Les étudiant·es en ressortent plus riches de ces rencontres et ont désormais en leur possession un portfolio à proposer à des rédactions ou valoriser sur leurs réseaux.
Une sélection de ces projets sera diffusée en ligne tout au long des prochaines semaines sur Mammouth. Vous retrouverez des liens vers les reportages publiés ci-dessous:
- « A la maison » de Louise Joenen montre les liens humains joyeux qui se tissent a centre Fedasil de Spa
- « Un jour à la fois » de Matteo Andrianello raconte le quotidien doux et mélancolique des résident·es d’un home près de Nivelles.
- « 28 jours de répit » de Lilou Vanderheyden témoigne du séjour de migrants, venus des quatre coins du monde, dans un centre d’accueil d’urgence à Anderlecht
- « Après la nuit » d’Alexis Vercruysse nous emmène au Café Monde, à Louvain-La-Neuve, où des personnes en demande d’asile bénéficient d’un accueil de jour.
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Après la nuit
Il y a dix ans naissait à Bruxelles la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés, connue sous le nom de BELRefugees, en réponse à la mauvaise gestion de l’accueil des demandeurs d’asile en Belgique. Quelques années plus tard, en juin 2023, le Café Monde ouvrait ses portes à Louvain-La-Neuve.
Situé en plein centre, il offre aux migrants qui le souhaitent un espace pour souffler, se reposer, rigoler, jouer, discuter, se restaurer… après la nuit. Cet espace ouvert et solidaire privilégie la rencontre, la création de liens, le partage entre personnes de différentes cultures. Il est sans frontières. Anne-Catherine De Nève, coordinatrice de l’antenne du Brabant-Wallon de BelRefugees, se désole : « en Belgique, il existe bien peu d’initiatives pour pousser l’accueil des migrants au-delà de l’hébergement. » En créant le Café Monde, elle a voulu répondre à ce manquement.
Ici, les sourires rendent l’atmosphère agréable. La cuisine, partiellement élaborée à partir d’invendus de fruits, de légumes et de pain, dégage des odeurs de bien-être, de chez-soi. Le Café Monde n’a pas pour vocation de générer de profit. Il fonctionne selon un modèle de participation libre aux frais, tout le monde est le bienvenu, en contribuant selon ses moyens.
Au fil du temps, il est aussi devenu un lieu d’accompagnement social qui propose divers services : assistance sociale et juridique, cours de français et consultations psychologiques. Son fonctionnement repose sur l’engagement d’une quarantaine de bénévoles, épaulés par Anne-Catherine De Nève, seule salariée de l’équipe.
En somme, le Café Monde facilite les contacts entre des personnes présentes dans la région sans grande chance de se croiser : habitants du Brabant wallon, étudiants, sans-abri, migrants…
Dans ce petit lieu, de grandes histoires se croisent et de nombreux liens se créent.Les visiteurs et les bénévoles se reposent, jouent, mangent ou travaillent dans un même espace. Tout le monde a la même place, la même importance. Le Café compte une quarantaine de bénévoles. Deux à trois fois par semaine, Seleh fait partie de l’équipe. Ce matin, il va acheter les pommes qu’il manque pour faire son “quatre quart habituel”. Dans l’Esplanade, il n’hésite pas à se plaindre du nouveau gouvernement : “tout sera encore plus compliqué qu’avant”, confie-t-il.
Seleh est apatride, il vient de l’île d’Abumusa, entre les Émirats Arabes Unis et l’Iran. Cela fait six ans qu’il attend de recevoir des papiers. Youness est Soudanais, ici, il fait partie des meubles. Il participe au projet depuis ses débuts. Comme la plupart des bénévoles, il attend toujours ses papiers. Cela fait déjà trois ans. Chaque samedi, un repas de midi est prévu. Mille parfums s’entremêlent, les bénévoles profitent de l’occasion pour faire goûter les saveurs de leurs pays.
Au menu pour aujourd’hui : houmous, soupe de lentilles, geema et kolau. Tout est prêt à être servi, les clients n’ont plus qu’à arriver. Hibiki est étudiant à Tokyo. Il a profité des vacances d’été de là-bas pour faire du volontariat ici. Il voulait faire des rencontres, nouer des liens. C’est chose faite : le voilà maintenant membre de la grande famille internationale des bénévoles du Café Monde. Il a entendu parler de BelRefugees et du Café via une plateforme en ligne de programmes interculturels : AFS. Entre deux parties de dominos, Daniel se replonge dans son rôle de bénévole. En fond sonore : le bruit des dominos que ses amis continuent d’abattre sur la table de jeu. Pas de temps à perdre ! La musique berce le café dès l’heure d’ouverture. Les découvertes sont infinies, la playlist a des airs de tour du monde.
Il n’y pas d’âges pour franchir la porte de ce petit coin de paradis, ce petit espace de tranquillité. Il n’y a pas d’âges non plus pour faire des rencontres. Les jeux de l’armoire suffisent à faire le pas.
Tout se partage et se fait ensemble : les plats du samedi midi comme les activités féministes du jeudi soir. Au milieu de tout, les jeux de domino continuent de régner en maître sur les petites tables rondes.
Youness et Hibiki profitent du temps de midi des étudiants pour aller leur distribuer des tracts du Café Monde. “C’est bien pour l’exercice”, me dit Youness avant de faire les cent pas, hésitant, timide. Parmi les bénévoles, Bénédicte joue un rôle clé. Quelques fois par semaines, elle donne des cours de français pour débutants. Dans une toute petite pièce transformée en salle de classe se mélangent Érythréens, Gazaouis, Yéménites et Soudanais. Au programme : les voyelles, puis l’inspiration du moment et les envies de chacun prendront le relais. D’une pierre deux coups : pour certains, le cours de français est aussi un cours d’anglais. Apprendre deux langues en même temps ne facilite rien mais détend l’atmosphère, tout le monde participe, tout le monde s’entraide. Quelques élèves assistent au cours depuis longtemps, bientôt ils pourront rejoindre un cours d’un niveau supérieur. Mohammed reste le plus proche possible de chez lui, à Gaza. Son téléphone ne le quitte pas, sa famille et ses amis non plus. Quand il est n’est pas en appel, il me montre les photos de sa galerie : beaucoup de filles, beaucoup de selfies, et puis beaucoup de photos “pour se souvenir”. Sa ville transformée en champ de ruines, son père mort, son frère mort… Douze migrants partagent cette villa de Louvain-La-Neuve. Sous des airs heureux et une ambiance joviale se cache beaucoup d’inquiétude. “Qu’est ce que je ferai quand je devrai partir ?” demande Mommin, un Gazaoui qui n’est là que depuis la veille. Ici, les résidents ne sont que de passage, six semaines maximum. Au milieu de la foire des kots-à-projets de l’UCLouvain, Abad, un des habitants de la villa, arbore fièrement son drapeau. Avec les autres, il crie: “Free, Free Palestine !” Des passants leurs répondent en criant plus fort, et leurs sourires grandissent jusqu’aux oreilles. Il n’y a plus que de la fierté dans leurs yeux, et de l’espoir.
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Matongé, hotspot à feu doux
Immersion dans une zone de trafic de drogue à Bruxelles.
Photo: M. Tavares (Flickr)
Depuis mars 2024, Matongé figure sur la liste des « hotspots », ces zones de surveillance renforcée mises en place pour répondre à la vague de fusillades qui secoue la capitale. Mais ici, le trafic se joue à l’ancienne, en pantoufles, à ciel ouvert. Comment le quartier s’adapte-t-il au label « hotspot » ?
Je pensais encore au coup de fil passé à ma mère, la veille au soir. Je tenais mon téléphone blotti entre mon épaule et ma joue, prostré devant la porte béante du lave-linge de ma colocation et de son affichage digital qui proposait une longue liste de choix de programmes de lavage qui me paraissaient tous aussi abscons les uns que les autres. Si un jour je quitte le monde moderne, ce sera sans hésitation à cause des menus des télécommandes et des règles de lavage des lessiveuses automatiques. Au téléphone, ma mère commençait à fatiguer. Après m’avoir rappelé de ne pas oublier de ramener mon linge en revenant à la maison, elle m’avait aiguillé sur deux-trois axes d’enquêtes allant de l’interview en caméra cachée du consommateur de beuh au témoignage d’habitants confrontés au fléau des trafics en tous genres. Je réfléchissais à ses propositions et je notais qu’en bonne madre qu’elle fut, sa fatigue ne l’avait pas étourdie au point de ne pas oublier le point de vue qui me paraissait le plus évident : celui du trafiquant. Mais voilà, je suis étudiant en journalisme. Qui suis-je pour jouer les Roberto Saviano ?
– N’oublie pas ton linge.
– Non maman, je n’oublierai pas.
T’enregistres ce qu’on dit avec ton casque ? Va à Clemenceau, y a rien ici
Je remontais la chaussée d’Ixelles, ce long ruban d’asphalte qui relie la porte de Namur, à la lisière du Pentagone, à la place Flagey. Arrivé à l’angle de la rue Francart, le soleil dégagea une large bande de lumière. Il m’avait semblé ne plus avoir fait si clair depuis plusieurs années et je dus poser ma main sur mon front pour apercevoir la couleur du feu pour piéton. Les poussières de l’hiver s’échappaient du sol et montaient vers le ciel. Je fronçais les sourcils, plongé dans la poussière et mes pensées. Au passage du 21 chaussée de Wavre, dans le quartier congolais de Matongé, à Bruxelles, presque arrivé à destination du nid que je partageais avec une bande de colocataires peu connaisseurs en programmation de machine à laver, en relevant la tête, un jeune type me lança une invitation : « t’en veux ? »
L’homme qui se dresse devant moi a la vingtaine. Debout devant lui, moi, mon sac banane et mon mulet, n’avons eu la présence d’esprit que de dire : « Nous allons vous paraitre bizarre mais nous sommes journalistes ». À ce jour, je m’interroge encore sur le pourquoi de l’utilisation de ce « nous ». Nous l’appellerons André. Il partage avec une dizaine d’autres l’entrée de la Galerie Matongé, celle à coté du Parking sous-terrain, à dix pas du cinéma Vendôme et à trente du H&M, dans laquelle, le 6 janvier 2025, la zone de police Bruxelles Capitale Ixelles a découvert 818 grammes de cannabis, 85 pacsons de cocaïne, 42 grammes de résine de cannabis, 4 pilules d’ecstasy, un spray au poivre, une arme de type airsoft, des munitions et une arme à feu avec chargeur. Cinq jour plus tard, le 11 janvier au soir, une patrouille de police qui effectuait des contrôles au croisement de la rue Francart et de la chaussée de Wavre s’est retrouvée encerclée par une quarantaine d’individus qui sortaient de la Galerie, et a eu recours au gaz lacrymogène « pour maintenir l’ordre », a déclaré la porte-parole de la police bruxelloise Ilse Van de Keere, avant de dresser plusieurs procès-verbaux pour rebellions et possession de drogue.
Il est 11h30. La route, étroite, est à sens unique. Des employés de bureau en costume, les yeux écarquillés, serrent leur téléphone contre l’oreille en esquivant les piétons. Une femme à vélo, sac en bandoulière et panier en osier à l’avant, se fraye un passage entre les voitures à l’arrêt. Des clientes encombrées de sacs de courses roses fluo estampillés Sarah Mode ou Jinny’s Hair & Beauty discutent, voix qui roulent les r et autres qui les avalent, en remontant le trottoir.
Acheter de la beuh en plein reportage, c’est un problème de déontologie ?
André tient un diffuseur Bluetooth haut comme un poney et partage sa playlist autotunée à une bonne centaine de commerçants fatigués. Un vieil homme avec un chapeau assis dans le salon de coiffure Matonna, premier commerce accessible depuis l’entrée de la Galerie, relève sa tête et soupire en observant la party, replonge ses yeux sur son téléphone. Il y lit peut-être, étourdi, que la commune d’Ixelles a introduit la veille une demande officielle pour élargir le périmètre du hotspot de Matongé à la Porte de Namur. « Cette mesure permettra de mieux surveiller les points de vente de stupéfiants et de sanctionner plus efficacement les infractions », promet le bourgmestre ixellois Romain De Reusme (PS). Ou cet homme au chapeau est-il tombé par hasard sur un post X de Georges-Louis Bouchez reprenant, à l’évocation des récentes fusillades à Anderlecht, les éléments de langages de l’extrême droite des années 1930, déclarant que « la vermine gangrène #Bruxelles. Le Gouvernement Arizona va prendre les mesures pour nettoyer les rues. »
Les « hotspots » sont ces mots à la mode que la presse rabâche depuis le début de la vague de fusillades qui ensanglante la capitale. L’ambition est de s’attaquer sans délai aux problèmes de trafics, de violences et surtout des règlements de compte à coups de Kalachnikov qui font tache jusque dans les colonnes du New-York Times et sur les antennes de CNN. En 2024, 89 fusillades ont eu lieues à Bruxelles, dont huit mortelles pour un total de neuf décès.
- Regardez aussi notre explainer sur les fusillades à Bruxelles
Dans ces zones, la vente et la consommation d’alcool sont interdites, la police peut faire des contrôles d’identité systématiques, faire percevoir immédiatement des amendes pour possession ou consommation de drogues, et saisir les objets qui facilitent la consommation.
André prend une gorgée de sa Gordon finest gold à 10% et s’assied sur une chaise de bureau en cuir à même le trottoir. Probablement intrigués par la durée inhabituelle de l’interaction, deux autres hommes du même âge s’approchent de moi. « Pourquoi t’es venu ici ? », me demande André, une fois bien installé.
– J’ai vu que Matongé était un « hotspot. »
– C’est quoi ça ?
– Les zones de trafic les plus chaudes de Bruxelles.
André se redresse, cale son dos contre le dossier de sa chaise et tourne la tête vers le groupe. Il annonce que je suis journaliste et que je travaille sur le narcotrafic. Un court silence s’installe. Tous me regardent. Je soutiens leurs regards un à un. Puis les questions fusent. « Pourquoi ici ? », « T’enregistres ce qu’on dit avec ton casque ? Va à Clemenceau, y a rien ici », balance un type, l’air excédé.
Le quartier de Clemenceau dont parle cet homme, à Anderlecht, est le théâtre d’une série de représailles entre gangs liés au trafic de drogue. Entre le 4 et le 7 février, quatre fusillades ont éclaté dans la capitale : une à Saint-Josse, trois à Anderlecht. La réponse politique ne s’est pas fait attendre. Le gouvernement Arizona, qui a annoncé un refinancement de 400 millions d’euros pour les fonctions régaliennes de l’État d’ici 2029, prévoit de passer à l’offensive. Parmi les mesures avancées : la déchéance de nationalité pour les binationaux impliqués dans le crime organisé, la fusion des six zones de police bruxelloises et un durcissement des peines pour les chefs de réseau. « Nous ne laisserons pas nos rues aux mains de bandes criminelles », déclarait la ministre de la Justice Annelies Verlinden le 7 février dans L’Écho. Tandis qu’une carte blanche signée par 28 acteurs de l’associatif bruxellois parmi lesquels Christopher Collin (DUNE), Edgar Szoc (Ligue des Droits humains), Stéphane Leclercq (Féda bxl), et Birger Blancke (Fédération BICO), s’opposait à la politique des hotspots, dénonçant une « stratégie au nom de laquelle le droit commun est suspendu et contribue à aggraver le sort des plus précaires », et concluant : « Pour affaiblir durablement le narcotrafic et ses nuisances, la priorité doit enfin être donnée à la santé publique et à des réponses concertées avec le secteur professionnel. »
Un autre gars me demande si je fume. « Prends un dix avant de poser des questions, c’est la moindre des choses. » Le groupe éclate de rire. Je repensais à mon linge et j’étais très pris par une idée qui ne me lâchait plus. Comment allais-je me débrouiller pour prendre le train avec une manne de linge et mon vieux sac sans perdre la moitié en route ?
André ne dit rien. Il me fixe, les bras croisés, puis me demande : « acheter de la beuh en plein reportage, c’est un problème de déontologie ? « Je cherche quoi répondre quand un autre gars sort de la galerie. André désigne immédiatement cet homme qui serre la main à toute la bande et me dit d’aller lui parler. Il a la trentaine, un bonnet bleu foncé, une parka noire et une sacoche en bandoulière. André me présente rapidement : je suis journaliste et… Le gars coupe André et me somme de poser toutes les questions qui me viendraient à l’esprit et insiste pour que je filme et enregistre ses propos.
Nous, on deale, on se fait prendre, on va en prison, on sort. C’est tout. Eux, ils sont libres mais devront rendre des comptes à Dieu
On l’appelle Pirate. Pirate a curieusement envie de parler. D’histoire, de politique, du Congo et de la Belgique. « Ils ont pillé notre pays et maintenant ils nous laissent crever. » Il navigue dans la galerie, connaît les moindres recoins. Soudain il décide de m’emmener avec lui pour une croisière sur un morceau de sa vie. C’est ici qu’il passe la plupart de son temps. Dans les rangées et les couloirs de la galerie commerciale qui s’étendent sous nos yeux. Notre embarcation temporaire parcourt les allées comme on descend un fleuve. Son fleuve à lui serpente entre le coiffeur du box 313, WE2B Hair, et trace une boucle parfaite. On y accède par la Chaussée d’Ixelles ou celle de Wavre, deux entrées qui se répondent et s’entrelacent. Un sifflement discret et, soudain, ceux qui traînaient dehors glissent vers l’intérieur. On avance et on sourit, on salue, généreusement, les personne alentours. Tout le monde se connaît ici, et personne ne doute une seconde du caractère illégal de son activité. Dans les yeux des personnes que nous croisons, je suis sans doute un client.
Au milieu de l’allée principale, entre les six salons de coiffure, sous les néons fatigués et sur le pavé jauni taché de Jupiler séchée, Pirate sort des petits paquets de sa sacoche, les glisse en douce dans la poche d’un passant, rigole et câline une cliente ou une revendeuse, reprend la conversation avec moi comme si de rien n’était. L’odeur de la beuh se mêle à celle des beignets frits du restaurant antillais Sous les tropiques. Il soupire, remet son bonnet en place. « Je joue le rôle de grand frère ici. Grand frère, ça veut dire tout : éducateur, formateur, médiateur, aide sociale, protecteur… Les types à l’entrée ont 19-20 ans, il faut leur apprendre ce qui est bien et mal. »
Pirate a vaguement entendu parler des hotspots. « On compare Matongé à Clémenceau, rigole-t-il, c’est complètement insensé. Il n’y a pas de fusillades ici. On survit simplement. Chacun fait son truc en indépendant, y a parfois quelques embrouilles mais y a pas de grosse organisation, pas de règlements de compte. Je lui demande si quelque chose a changé dans l’organisation du trafic depuis la mise en place de ces zones : « Rien. »
– Pas plus de difficultés ?
– Non. D’ailleurs, c’est bien hypocrite leur politique de hotspot. C’est le client qui vient vers nous, pas l’inverse. Et parmi les gens qu’on sert, y a des avocats, des mecs en costumes, des enfants de riches. Au dessus de ceux qui vendent des 10 balles comme moi, y a des gens qui vendent en plus gros, et je t’assure que ceux qui achètent au kilo sont les mêmes qui parlent d’insécurité. Si ils veulent régler le problème du trafic, ils ont qu’à s’attaquer au Port d’Anvers.
Sa réponse fait écho à ce que d’autres me diront par la suite : les rares personnes au courant de l’existence des hotspots assurent qu’ils n’ont eu aucun effet sur leur activité. Au bout d’une heure et demie de discussion, Pirate me fait poliment comprendre qu’il est temps pour moi de partir. À quelques mètres de la rue d’Édimbourg, un type sur le trottoir m’interpelle avec un « kssst », ce petit bruit de bouche qui signifie « viens voir » dans à peu près toutes les langues du commerce parallèle. Je lui explique que je ne suis pas un client potentiel. Il m’a vu parler à Pirate, s’apprêtait à prendre sa pause et me propose de le suivre jusque dans la Rue Longue Vie, aux abords du Snack Délice, où il s’arrête, s’assied sur un scooter et roule un joint. Il doit avoir une trentaine d’années, un jean, une veste grise et un foulard noir, et se présente en me disant qu’il n’a pas grand chose à perdre. C’est Bernard. Lui non plus n’avait jamais entendu parler de hotspot. « Tu ne te caches pas pour fumer ? »
– « Je ne me cache même pas pour vendre. De toutes façons, je n’ai que des factures, des dettes. Les vrais voleurs, ce sont les gens en costume cravate. Nous, on deal, on se fait prendre, on va en prison, on sort. C’est tout. Eux, ils sont libres mais devront rendre des comptes à Dieu », dit-il en rigolant.
On a peur que ça devienne comme Clemenceau
Bernard tire une dernière taffe, écrase son joint sous sa semelle, et reprend tout aussi impassible : « Ici, c’est le désordre. Et c’est bien mieux comme ça. Quand il y a des structures, comme à Anderlecht, que le trafic est organisé par des mafias, tu dois faire attention à tout. Quand les gens comprennent que c’est organisé, il suffit qu’une personne se fasse prendre et tout tombe. L’avantage, à Matongé, c’est que c’est presque pas organisé, donc c’est difficile de nous faire tomber. Ça n’empêche pas qu’il y ait de la solidarité entre nous. » Il s’éloigne en promettant de revenir plus tard. Je lui propose de l’accompagner. Il hésite, puis fixe l’heure du rendez-vous : 22h.
Je reviens pile à l’heure. Sous les lumières blafardes des enseignes qui crépitent, l’asphalte semble plus noir, plus dense. Les vitrines grillagées des boutiques sont autant de paupières mi-closes derrière lesquelles persistent des lueurs diffuses. Ça fume par grappes devant les salons de coiffure encore ouverts. Dans les rues adjacentes, des ombres bougent lentement, appuyées contre les murs. Je croise une habitante du quartier. Elle évite désormais de passer ici trop tard. « J’ai assisté à l’assassinat de Micha. Ils l’ont poignardé sous les yeux des passants. On a peur que ça devienne comme Clemenceau. » L’homme de 41 ans était décédé après avoir reçu plusieurs coups de couteau, chaussée de Wavre, le 18 juin vers 17h45. Plus loin, une autre femme, assise devant son salon de beauté, hausse les épaules en tirant sur sa cigarette. Elle rit en évoquant l’idée que Matongé soit classé hotspot. « Franchement, faut arrêter. On parle de quoi, ici ? On compare ça à Molenbeek ou à Clemenceau, mais Matongé, c’est pas ça. Il y a toujours eu du monde, toujours eu de l’animation. Y a du petit trafic, mais on ne se sent pas en danger. Le hotspot, c’est juste une excuse pour mettre plus de flics et rassurer ceux qui ne connaissent pas le quartier. Moi, je vois pas la différence. »
Bernard est appuyé contre un poteau là où je l’avais rencontré. Le shift a repris depuis une heure. Il m’explique qu’il a le luxe de choisir ses horaires, puis revient sur le sujet du hotspot sans que je n’aie à relancer la conversation : « J’ai repensé à ce délire du hotspot. Pourquoi ils ont donné un nom anglais à ce truc-là ? » Derrière lui, une berline noire ralentit et s’arrête quelques mètres plus loin, moteur allumé, phares éteints. Bernard jette un coup d’œil rapide, décroise les bras et s’approche. Une vitre descend à moitié. Il échange quelques mots à voix basse, glisse la main à l’intérieur, puis revient vers moi. À peine le temps de reprendre la conversation qu’un type en survêtement s’approche et tend la paume. Bernard sort une liasse froissée de sa poche, détache quelques billets et les lui donne sans attendre un merci. Un autre arrive, pose la même demande. Une voiture de police traverse la rue, ses phares balayent le trottoir. Cette fois, il soupire, compte les billets plus lentement.
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Bruxelles sur le podium des fusillades, avec Naples et Marseille
Tu savais que Bruxelles occupe la deuxième place du classement des fusillades en Europe derrière Naples en 2024 ?
Depuis quelques temps, les attaques à l’arme automatique se sont multipliées dans la capitale. On te donne quelques explications pour mieux comprendre le phénomène.
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Au centre Fedasil de Spa, c’est comme à la maison
Crédit Photo : Louise Joenen
Chaque année, des dizaines de milliers de personnes demandent l’asile en Belgique. Nombreux passent d’abord par le centre d’observation du Petit Château à Bruxelles, un lieu où les évaluations sociales et médicales prennent place, et où la question du droit à l’accueil est tranchée. Mais ce n’est qu’une première étape. Les plus chanceux sont transférés au centre Fedasil à Spa, un ancien hôtel transformé en refuge pour ceux qui ont tout perdu.
Loin de l’agitation des grandes villes, ce centre isolé dans la nature offre une ambiance calme et paisible. Accueillant près de 450 demandeurs de protection internationale, il est un havre pour les familles, en particulier celles avec de jeunes enfants. Les murs blancs résonnent de leurs pas, les couloirs sont envahis de poussettes et de vélos, des symboles de la vie familiale qui reprend peu à peu ses droits.
Chaque jour raconte une nouvelle histoire, tissée entre les résidents, les travailleurs et les bénévoles. Dans ce lieu d’accueil, la solidarité se manifeste à chaque instant. Les familles Albayouk, Abdurrahman et Alameer ont noué des liens forts, leur permettant de tout doucement appeler ces murs blancs “maison”, et de considérer leurs voisins comme des membres de leur famille.
Awada, elle, a la bougeotte. Elle ne manque aucune activité et passe ses journées à courir d’un bâtiment à un autre pour papoter avec les travailleurs et les bénévoles. Elle connait le centre et ses environs comme sa poche. C’est à l’intérieur de ces murs blancs qu’elle se sent à la maison. Zayn a 6 mois. Il est né ici, en Belgique. C’est un peu le bébé de tout le monde au centre. Sa maman, Needa, fait entièrement confiance aux voisins. “Tout le monde l’appelle bébé qui pue parce qu’il a tout le temps du vomi sur lui” raconte Adwaa en riant. Assise sur un banc dans la cour du centre, Needa se perd dans ses photos de famille. Elle a dû laisser ses enfants là-bas, avec leur grand-mère. La plupart de ses frères, sœurs, nièces et neveux sont morts suite aux nombreux bombardements qui ont touché le pays. Sa famille lui manque énormément. Cela fait un an que les familles Abdurrahman et Alameer sont voisins au centre. Une année rythmée par une nouvelle naissance qui a beaucoup rapproché les deux familles. “Tu viendras nous voir dans la nouvelle maison ?” murmure la petite Adwaa. Ilham et Sara, les soeurs somaliennes, adorent commander des vêtements et ouvrir leurs colis avec leurs copines. Dans la chambre, ça part toujours en fou rires lors des essayages. “Tu viendras nous voir dans la nouvelle maison ?” murmure la petite Adwaa. La chambre des Yéménites est toujours bien animée. Du matin au soir, entre les copains des enfants, les parents du petit Zayn et les bénévoles, il y a du passage. “Comme on a beaucoup d’espaces verts, on a beaucoup de familles avec des enfants qui viennent ici.” Pierre-Yves, bénévole au centre Fédasil. Khadra et Ilham ont 15 ans. Elles se sont rencontrées au centre il y a un an et quatre mois et depuis, elles ne se lâchent plus. Des cuisines sont à disposition sur réservation. Cela permet à chacun de cuisiner librement dans un espace plus spacieux que les dortoirs. Souvent, les gens ne respectent pas ces horaires et Awada doit attendre longtemps avant de commencer à cuire, mais cela ne l’embête pas. C’est rare qu’il fasse beau, alors quand le soleil pointe le bout de son nez, tout le monde en profite pour faire sécher son linge sur la haie. Dans deux semaines, Awada et sa famille s’en vont. Ils ont trouvé une maison à Spa, ça veut dire qu’elle pourra toujours venir rendre visite à ses amis et aux travailleurs. C’est ça qui lui manquera le plus ici. Dans le hall d’entrée, ses pleurs se font entendre. Faten, arrivée au centre avec ses trois enfants il y a deux semaines, s’autoproclame maman de tout le monde. Quand elle voit que quelqu’un est seul au centre, elle l’accueille toujours à sa table. “If you are alone, no problem ! I say come to mama!” crie-t-elle le sourire aux lèvres. Cette mentalité lui a permis de se rapprocher de beaucoup de personnes en très peu de temps. Ahmad, 30 ans, se sent bien ici. Cela n’a pas toujours été le cas. Après avoir quitté la Syrie il y a quelques années, il a vécu en Roumanie avant d’arriver en Belgique. Il lui a ensuite fallu vivre plusieurs mois à la rue avant d’être accepté dans le centre. Il fait partie des “enfants recueillis” de Faten, avec qui il partage de nombreuses chichas sur sa terrasse. Il adore passer du temps avec Nutella, la plus jeune fille. Faten et ses enfants, palestiniens ayant vécu toute leur vie à Dubaï, sont arrivés il y a deux semaines. Ce jour là elle célébrait les 16 ans de sa fille Retal. “C’est ennuyant de rester dans sa chambre, il faut profiter de l’extérieur et des espaces qui sont à disposition, c’est pour ça qu’on a demandé à organiser une fête ici” raconte-elle en découpant le gâteau.The post Au centre Fedasil de Spa, c’est comme à la maison appeared first on Mammouth Média.
Un jour à la fois
Photo: Matteo Andrianello
Que se passe-t-il dans la vie d’une personne âgée ? Souvent, les réponses à cette question sont accompagnées d’un désintérêt, comme si, passé un certain âge, nous devions tomber dans l’oubli. Dès lors, que devient-on quand on a déjà été ?
Aux Bons Villers, situés entre Charleroi et Nivelles, la Résidence-service Champ de Saucy offre aux personnes âgées la possibilité de s’alléger des tâches du quotidien tout en conservant une certaine autonomie. Ces séniors qui composent les 27 appartements de la résidence ont entre 70 ans et 90 ans. Comme le confie Christiane : “ ici, on prend les jours un à la fois.” Dans ce lieu, on se crée de nouvelles habitudes et on vit au jour le jour avec les difficultés que nos ainés doivent affronter. Tout cela, en renouant avec une sociabilité parfois mise à mal à cet âge.
La résidence trône dans une rue calme composée de quelque habitations. Le premier supermarché se trouve à 20 minutes à pieds. La salle à manger est le principal lieu de vie de la maison. Elle accueil les repas du midi et les différentes activités. Françoise écrit chaque jour le menu qu’elle s’amuse à disposer sur les tables. Claudine mange seule car elle ne supporte pas le bruit. Elle en profite pour lire la presse locale, toujours très attachée à sa ville natale de Phillipeville. En arrivant au dîner, ceux qui se déplacent à l’aide d’un déambulateur le laissent à l’entrée de la pièce. Florent possède une collection de plus de 300 CD qu’il a mit a disposition de tous. Autoproclamé DJ de la résidence, il se lève de sa chaise à chaque repas pour mettre de la musique. Les appartements sont décorés selon les goûts de chacun offrant aux résidents l’opportunité de se sentir complètement chez eux. Clément à pratiqué l’équitation pendant plus de 40 ans et a conservé bon nombre de souvenirs. Depuis sept ans à la résidence, Clément a accroché des photos des anciens résidents qu’il a côtoyé et qui sont décédés. “J’ai eu une opération à cœur ouvert à Mont-Godinne.” Le passé de Georges ne l’empêche pas d’aller marcher tous les matins, seule une météo capricieuse pouvant le faire rentrer plus tôt. François, lui aussi, est un adepte de la marche. Entre le potage et le plat, il se remémore avec Georges un parcours au Portugal. Pendant les heures creuses, les couloirs ne sont animés que par quelques promenades de résidents et les va-et-vient du personnel. Lorsque certains décident de se promener, la destination est souvent la porte d’entrée pour aller prendre l’air, comme ici avec Yvette (à gauche) et Josette (à droite). Les jours où la coiffeuse est là, le salon de coiffure, situé dans l’un des couloirs du rez-de-chaussée, devient un lieu très prisé. Josette, Marie-Louise et Lisette (de gauche à droite) se sont rencontrées dans la résidence et forment un trio qui ne loupe quasiment aucune activité, l’occasion de passer de bons moments ensemble. À chaque atelier tricot, Lisette, qui ne sait pas tricoter, apporte l’eau et le café pour ses copines. La résidence se décore en l’honneur des fêtes du calendrier. Elle se prépare dès à présent pour le Carnaval, qui arrive dans quelques jours.The post Un jour à la fois appeared first on Mammouth Média.
Arsène Burny, une vie passionnée et passionnante
Photo : Charlotte Simon
« J’ai toujours gardé l’amour des premières expériences scientifiques ». À 91 ans, Arsène Burny continue de mener une vie riche de découvertes et de dévouement. Chercheur, professeur et ancien président du Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS), il a consacré sa carrière à la science et à l’éducation. Dans cet entretien, il revient sur son parcours et ses combats pour la recherche.
Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir chercheur ?Tout petit, je voulais comprendre les choses qui m’entouraient. J’étais fils d’agriculteur. Ma motivation était alors de comprendre ce qu’il se passait dans les champs de mes parents quand on les ensemençait en septembre, octobre, pourquoi en cas de gel, en hiver, tout mourait…
Durant votre carrière, y-a-t ’il une découverte dont vous êtes particulièrement fier ?J’ai toujours gardé l’amour des premières expériences scientifiques que j’ai faites avec un collègue. Nous avions découvert le premier ARN messager. Il s’agit d’une molécule qui copie les instructions contenues dans l’ADN pour les transporter jusqu’aux « usines » » de la cellule, où elles sont utilisées pour fabriquer des protéines. À l’époque, mon collègue et moi étions deux jeunes chercheurs à l’Université de Bruxelles. Ensemble, nous sommes entrés dans le détail de la biologie moléculaire en isolant ce « messager », en allant du très vaste au très précis. Nous étions les premiers, au monde, à réussir à isoler cette molécule si importante.
Quelles aptitudes sont essentielles pour un chercheur ?Les qualités requises aujourd’hui pour un chercheur sont les mêmes que celles attendues depuis toujours. C’est la persévérance, le courage, la lucidité et l’intelligence évidemment. Le fait de ne pas se décourager fût vrai en tout temps et est encore vrai aujourd’hui. Il faut toujours se dire : « j’ai raté, où est-ce que ça a pu clocher ? » Cela permet d’identifier tous les endroits où le chercheur n’a pas fait attention. En recherche, de telles situations se produisent assez fréquemment. La nouvelle génération est très impressionnante, notamment grâce aux moyens dont elle dispose aujourd’hui par comparaison à ceux que j’ai connus.
Vous parlez de persévérance, avez-vous le souvenir d’un moment où elle a payé ?La persévérance a payé de multiples fois, parce qu’il ne faut pas s’imaginer le métier de chercheur comme étant facile, où on ne reçoit pas des gifles fréquemment. On se dit : « oh, voilà une molécule qui a l’air très intéressante ». On pense mettre la main sur un lingot d’or, et en fait, le lingot d’or se transforme en lingot d’argent ou d’argile. Il est important de rappeler aux jeunes chercheurs que la recherche fonctionne ainsi : des moments de grande réussite, comparables à des pics étroits qui montent très haut, suivis d’une déception. Cela fait partie du métier.
Il reste énormément à faire.
Arsène Burny Vous êtes aussi une figure incontournable du Télévie. Comment êtes-vous arrivé dans cette aventure caritative et télévisuelle ?En 1988, Jean-Charles De Keyser qui présentait le journal de RTL vient au Fonds National de la Recherche Scientifique, où un peu par hasard, j’y avais remplacé mon patron qui terminait sa carrière. Je suis ainsi devenu vice-président d’une commission de cancérologie. Je me souviens encore des paroles de Jean-Charles. « Je deviens directeur général d’une compagnie de télévision qui s’installe en Belgique francophone. Je cherche une émission qui soit populaire mais intelligente. Je ne veux pas un truc qui abrutisse les gens. Avez-vous une idée pour moi ? ». Un ministre nous dit alors : « une émission sur la recherche scientifique, ça n’intéresse personne ». De Keyser lui répond : « oui, mais ce qu’on n’a pas fait, c’est le faire savoir. Il faut non seulement faire les choses, il faut aussi les faire savoir. Nous, compagnie de télévision, nous allons les faire savoir ». En décembre 1988, la décision est prise de lancer le Télévie en avril 1989. C’est ainsi que, depuis 35 ans, je suis impliqué dans cette aventure.
Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles.
Arsène Burny Pourquoi la diffusion des connaissances scientifiques au grand public est-elle toujours essentielle aujourd’hui ?Parce qu’il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Il est essentiel de s’adresser à eux dans un langage qu’ils comprennent. Sinon, ils se disent : « c’est un type qui veut nous faire croire quelque chose ». Toutes les disciplines sont explicables à condition de les maîtriser. Utiliser un langage simple et compréhensible par ton interlocuteur est indispensable, sinon tu perds ton temps.
Si vous deviez recommencer votre carrière, feriez-vous les choses différemment ?Non, je pense que je ferais la même chose. Je pense ne pas avoir perdu mon temps à faire des études d’ingénieur agronome. Ce parcours m’a donné une vue très vaste de beaucoup de problèmes.
Quels sont les aspects de votre travail qui vous enthousiasment toujours ?Aujourd’hui, j’ai 91 ans. Je ne suis plus capable de travailler en laboratoire, de demander de l’argent à qui que ce soit. D’ailleurs, je ne recevrais rien car on me dirait que je suis trop vieux (rires). Alors qu’aux États-Unis, à 80 ans, tu peux solliciter des fonds auprès du National Institute of Health et tu en obtiens. Si ton projet est solide, personne ne te demande ton âge, ils s’en moquent. Ainsi, aujourd’hui, je me consacre à la lecture des meilleures revues scientifiques. J’analyse les informations essentielles que j’envoie ensuite à mes contacts travaillant au Télévie, qui disposent de bien moins de temps que moi pour se tenir informés des avancées dans le domaine. Or, il est crucial de rester informé pour ne pas prendre des directions qui manifestement ne sont pas bonnes.
Vous n’avez pas envie de prendre votre retraite ?Non, non ! Il y a des tas de choses qu’on ne maîtrise pas. La médecine est pleine de maladies contre lesquelles on ne sait pas faire grand-chose, de cancers qui sont encore mortels. Quand un médecin vous dit que vous avez une tumeur du cerveau, dans 9 cas sur 10, c’est mortel. Il reste énormément à faire.
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Comment le cinéma représente l’intelligence artificielle
Metropolis, 2001Odyssée de l’Espace, Blade runner, Terminator, Matrix, Her, Battlestar Galactica… le cinéma et les séries ont depuis longtemps montré des robots et des intelligences artificielles. Comment ces représentations ont-elles évolué au fil du temps ? On vous explique dans notre podcast.
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28 jours de répit
Crédit photo : Lilou Vanderheyden
Un centre d’accueil d’urgence d’Anderlecht offre 28 jours de répit.
Dès l’entrée, un sas de sécurité. Devant moi, quatre hommes énoncent leur nom et leur numéro. Les vigiles vérifient leur identité avant de les laisser passer. On me tend un talkie-walkie, « au cas où », puis je découvre ce bâtiment de quatre étages.
Ce centre accueille des hommes sans abri, pour une durée maximale de 28 jours. Chaque jour, certains arrivent, d’autres repartent. Créé par la Plateforme citoyenne BelRefugees, il fait partie d’un réseau de lieux d’hébergement d’urgence. Ici, chacun trouve un lit dans une chambre partagée, trois repas quotidiens et la possibilité de laver son linge.
Ils sont une centaine à cohabiter entre ces murs, venus des quatre coins du monde : Érythrée, Congo, Gaza, Burundi, Yémen, Russie… Des sans-abri, des demandeurs d’asile, des hommes en transit. La plupart sont sans papiers. Ils ont parcouru des centaines de kilomètres dans un périple chaotique et périlleux pour rejoindre la Belgique. Pour les accompagner, une vingtaine de travailleurs veillent : ils orientent, répondent aux besoins, gèrent les tensions inévitables d’un espace où tant d’histoires se croisent. Parfois, des activités sont organisées, offrant aux plus isolés un moment d’évasion, un semblant de normalité.
Dans ce bâtiment blanc, impersonnel, la vie bat son plein. Une diversité précieuse résonne, portée par des voix, des regards, des silences. Chacun sait qu’au bout des 28 jours, la rue l’attend de nouveau. Alors, il en profite. Ce n’est ni le confort, ni un foyer. Mais ici, il n’est plus seul.
De temps en temps, un tournoi de baby-foot est organisé. Des équipes de deux s’affrontent dans une ambiance conviviale et compétitive.
Les deux gagnants du tournoi de baby-foot sont récompensés par une médaille et une boîte de chocolats. Les gens célèbrent la victoire en criant et en chantant. Dans un logement regroupant autant d’hommes d’origines multiples, de nombreuses religions se croisent. Ces tapis de prière, disposés dans un coin de la pièce, sont mis à disposition pour ceux qui le désirent. Ce dessin n’est pas celui d’un enfant, c’est celui d’un adulte qui a participé à une activité de « dessin-thérapie ». Durant cet atelier, on leur demande de dessiner un moment marquant de leur vie.Cet hébergement est très aseptisé, avec des couloirs blancs et vides qui se ressemblent tous. Les étages se distinguent seulement par un numéro dans la cage d’escalier.
Ce garage voisin est tagué avec l’inscription « Papiers pour tous.tes », montrant les enjeux du quartier.The post 28 jours de répit appeared first on Mammouth Média.
Service militaire, le retour
Photo: Pexels
En novembre prochain, tous les Belges de 18 à 25 ans recevront une lettre très inhabituelle. Tous les jeunes hommes et femmes du pays se verront proposer de faire leur service militaire. A l’heure où le continent européen se prépare à la guerre, le ministre de la Défense, Theo Francken, entend renforcer les rangs de l’armée avec des jeunes recrues volontaires. Mais sa proposition est accueillie de façon réservée par les syndicats.
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Du bruit des usines au calme des abbayes
Jusqu’à ses 58 ans, Alain a travaillé chez PSA Groupe, à Hordain, dans le nord de la France. Toute sa carrière, il s’est occupé des boites de vitesse du constructeur automobile. Mais quand on le rencontre, il est vêtu d’un scapulaire blanc et d’une ceinture à la taille. Ne l’appelez plus Alain, mais frère Alain Marie.
Perdue entre les champs, une simple route mène à l’abbaye Notre Dame de Scourmont. Au loin, on distingue sa grande porte en bois, arquée, veillant sur chaque visiteur, sur chaque curieux ou sur chaque fidèle. Située dans le calme plat de la campagne chimacienne, l’abbaye est connue pour sa bière. Mais derrière ses murs, se cache une vie monastique basée sur la prière et le travail, selon la règle de l’Ordre cistercien de la stricte observance.
A 4h20, les cloches sonnent pour la première fois de la journée. Celle de frère Alain Marie a débuté depuis une heure, le temps de se préparer, de déjeuner, et de se rendre à l’église de l’abbaye. 4h30, c’est l’heure des vigiles, premier office de la journée. Dans le transept, un moine a déjà commencé de prier. Silence total. Le temps de terminer sa prière et d’aller à la nef, et les autres moines arrivent. À douze, ils commencent à prier en chœur, faisant résonner harmonieusement leurs voix le long des murs de l’église. A 5h20, chacun repart, dans le calme. Certains en profitent pour déjeuner, d’autres pour aller à la bibliothèque de l’abbaye.
L’ordre monastique des moines cisterciens a été fondé en 1098, à l’abbaye de Cîteaux, en Bourgogne. La vie monastique s’y base sur la règle de Saint Benoît. Simplicité, prière, travail, obéissance, silence, vie communautaire et humilité sont les principes des moines cisterciens. L’abbaye Notre Dame de Scourmont n’échappe pas à la règle. Dans les couloirs, c’est le calme plat. On n’entend que les bruits des pas. Même à table, on ne demande pas de passer le beurre, mais on montre du doigts, on sourit, et on se fait comprendre.
« Après les vigiles, je m’installe toujours dans la bibliothèque, et je lis. Soit des passages de la bible, soit des textes qui s’y rapportent, ou des textes qui ont un lien avec Dieu et la foi. L’objectif, c’est de trouver un passage, une phrase ou un mot, et de le méditer pendant la journée. » Frère Alain Marie entame sa journée de cette manière, avant de se consacrer au travail et à la vie en communauté. Méditer sur une phrase, c’est ainsi que les moines dédient leur vie à leur recherche spirituelle et à leur foi. À chaque office, les cloches résonnent dans l’abbaye. Au total, les moines assistent aux 7 offices de la journée, rythmés entre lecture, parole et chant. Le tout, millimétré. Comme ces célébrations avaient été répétées pendant des années, ou plutôt, pendant des siècles.
Dédier sa vie à DieuFrère Alain Marie n’aurait jamais pensé devenir moine. Toute sa vie, il l’a consacrée à son travail et au bénévolat, aidant des amis, des malades, mais aussi des personnes âgées. « Petit à petit, je suis arrivé sur cette voie sans m’en rendre compte. » C’est en accompagnant un ami, dans le recueillement, qu’il a découvert l’abbaye Notre Dame de Scourmont. Cette abbaye, il ne l’a jamais oubliée. « Quand mon père est décédé, je sentais que quelque chose se préparait. Je ne sais pas si on peut appeler ça un signe ou non, mais j’ai décidé de venir ici, prendre une retraite. Et durant ma retraite, tout s’est déclenché. » Auparavant, Alain avait été jusqu’à sa confirmation mais il n’était pas pratiquant. « Avec le recul, je dirais que c’est une série de signes, d’abord dans le bénévolat, et puis dans ma vie, qui m’ont amené jusqu’ici. Quand j’étais en retraite ici, c’était comme une évidence. Alors, je me suis rapproché des moines, j’ai fait des entretiens, et maintenant, je suis novice, mais en août, je ferai mes vœux. » Une vie dans la quiétude, la prière, le calme, mais aussi dans le travail. « Je m’occupe du travail à l’extérieur, dans les jardins et le potager. Pour moi, ce n’est pas du travail, mais un moment de ressourcement. Ça mène à la réflexion, à la méditation, mais surtout, à la prière. Et ça, c’est un bonheur ici. » Alors, quand on demande au frère Alain Marie s’il est heureux, il répond que le bonheur est fait de hauts et de bas, mais que, oui, il peut dire qu’il est heureux.
Ici, tous vous le diront. Enfin, vous le diront, non, car les moines respectent le vœu de silence. Mais ceux qui acceptent de vous parler vous le diront, ils vivent une vie qu’ils aiment. C’est le cas du frère Marie Robert, moine depuis 30 ans. Comme il aime le raconter, à 20 ans, il avait quatre copines, mais il ne savait pas laquelle choisir. Alors, il décida de choisir un être encore plus cher à ses yeux : le Christ. « À 20 ans je me suis reconverti, et à 22 ans, j’étais moine. Maintenant, j’ai la plus belle vie du monde et je n’ai jamais regretté mon choix. » Sourire au visage, il aime prier et travailler la journée. Il aime cette vie moniale. Une vie qui attire les nouveaux, les regardants et les postulants, comme Andy, originaire de la région de Liège. En voulant découvrir la vie monastique, il est devenu regardant au sein de la communauté Notre Dame de Scourmont. « Pour l’instant, ce qui me manque, c’est le contact des gens. Mais, j’aime ces principes de vie et je voudrais vivre cette vie monastique. »
Si Frère Alain Marie, quant à lui, garde contact avec son frère et ses sœurs, il est conscient d’avoir renoncé à sa vie d’avant. « Quand on vient ici, il faut apprendre à sortir de notre bulle de l’extérieur. Il faut faire le deuil de ce qu’on a vécu à l’extérieur, mais ça fait partie de la vie monastique, et ça se fait progressivement. » Même s’il continue à sortir de l’abbaye, de temps en temps, pour aller se balader ou aller rencontrer des personnes, il revient toujours à la vie monastique. « Quand tu sors à l’extérieur, que tu vas en ville, tu peux vite être tenté de partir. Mais au final, c’est une vie qui ne t’intéresse plus. Tu te rends compte que tu avais besoin d’un changement radical. Et petit à petit, tu combats tes envies, pour faire preuve d’obéissance, d’humilité et de charité. » Comme il aime le dire, la vie monastique n’est pas une prison. C’est un monde ouvert, sur les autres, sur Dieu, et surtout, un monde apaisant, où entre prière et travail, on se retrouve, avec soi.
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IPTV en Belgique : la fin de la tolérance ?
L’IPTV est un système de diffusion de contenu lié à Internet grâce auquel un demi-million de Belges accèdent illégalement à des milliers de films, séries et chaines télévisées.
S’il s’est autant développé, c’est parce qu’aucune sanction n’a jamais été appliquée, du moins jusqu’en février 2025, quand deux magasins revendeurs d’IPTV ont été fermés par la police.
Un premier pas vers la fin de la tolérance?
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Quand les Césars ont une touche belge
Ce vendredi 28 février 2025 se tenait la 50ème édition des Césars. La Belgique s’y est invitée une nouvelle fois, par la voix de Bouli Lanners. L’acteur a rappelé, avant de remettre un prix, qu’en Belgique, un président de parti ne veut plus de ministre de la culture. En termes de prix, la co-production belge « Flow » a reçu le César du meilleur film d’animation. En fait, il n’est pas rare que le cinéma belge soit récompensé aux Césars.
Depuis 1976, l’Académie des Arts et Techniques du cinéma organise chaque année sa célèbre cérémonie. Si celle-ci vise en premier lieu à récompenser les acteurs et réalisations français, elle n’est pas fermée à l’international pour autant. Il n’est pas inhabituel de voir un Belge repartir avec une de ces récompenses très prisées du monde cinématographique francophone.
Retour sur la touche belge dans les 30 dernières cérémonies
Depuis 1995, le monde du cinéma belge et ses acteurs ont remporté 14 Césars dans 8 catégories différentes. Ce sont nos actrices qui brillent le plus, avec 8 Césars remportés dans 3 catégories. Yolande Moreau est la Belge la plus récompensée de la cérémonie, avec deux Césars de meilleure actrice en 2005 et en 2009 dans les films « Quand la mer monte » et « Séraphine ». En 2023, Virginie Efira remporte aussi la récompense pour son jeu dans « Revoir Paris ».
Qui a osé penser qu’il n’y en avait que pour le premier rôle ? Sûrement pas nous. Cécile de France remporte le prix de meilleure actrice dans un rôle secondaire en 2006, pour son rôle dans « Les Poupées russes ». Récemment, Emilie Dequenne l’a remporté, en 2021, dans le film « Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait ».
Enfin, le César de la meilleure révélation féminine a été remporté trois fois par des Belges. Il l’est d’abord en 1999 par Natacha Régnier dans « La Vie rêvée des anges », puis en 2003 par Cécile de France dans « L’auberge espagnole », enfin Déborah François est sacrée à son tour en 2009, pour son rôle dans « Le Premier Jour du reste de ta vie ».
La touche belge se fait moins ressentir du côté des acteurs puisque Matthias Schoenaerts a longtemps été le seul Belge récompensé. Il reçoit, en 2013, un César de meilleure révélation masculine en interprétant Alain Van Versch dans « De rouille et d’os », film très récompensé lors de cette cérémonie. Et il faut attendre 10 ans de plus pour que Bouli Lanners emporte celui du meilleur acteur dans un second rôle, pour sa place dans « La nuit du 12 ».
Même si les acteurs sont la face visible du cinéma belge, la face cachée reste bien présente et a remporté quatre Césars techniques depuis 1995. En 2004, la trilogie de Lucas Belvaux « Un couple épatant », « Après la vie » et « Cavale » reçoit le César du meilleur montage. La Belgique est fortement présente en photographie ces dernières années. Récemment, deux artistes belges ont reçu le César de la meilleure photographie : D’abord remporté en 2019 par Benoït Debbi pour le film « Les frères sisters », il l’est une seconde fois en 2022 par Christophe Beaucarne dans le film « Illusions perdues ».
Enfin, en 2020, dans une cérémonie qui a fait polémique, notamment à cause des Césars reçus par Roman Polanski après toute l’affaire #metoo, la costumière Belge, Pascaline Chavanne est récompensée du César des meilleurs costumes pour son travail dans « J’accuse ».
Si on étend les recherches aux films partiellement belges, le nombre de trophées remportés par notre cinéma augmente nettement. Ce ne sont plus 14 Césars belges mais bien 39 Césars quasi-belges, sur les 30 dernières éditions de la cérémonie, avec des grands films comme “Guillaume et les garçons à table !” ou “De rouille et d’os”, qui sont des films franco-belges, comme énormément d’autres réalisations.
Passer sur tous les films récompensés serait trop long, mais il reste intéressant d’en citer quelques-uns. En 2005, le film “Quand la mer monte” de Yolande Moreau est récompensé du César du Meilleur premier film. Elle est donc la seule belge à avoir gagné trois Césars, deux en tant qu’actrice et un en tant que réalisatrice. En 2013, “De rouilles et d’os”, film Franco-Belge fait un carton avec 4 Césars : meilleure révélation masculine, meilleure adaptation, meilleure musique et meilleur montage.
Les productions partiellement belges sont aussi très présentes dans le monde du cinéma d’animation, avec cinq Césars du Meilleur Film d’Animation : “Ernest et Célestine” (2012), “Loulou, l’incroyable secret” (2014), “Minuscule – la vallée des fourmis perdues” (2015), “Dilili à Paris” (2019), “Josep” (2021).
Un autre César important à noter, est la victoire en 2014 du César du meilleur film étranger par le film “Alabama Monroe”, un film belgo-néerlandais. Le même César qui avait été gagné, 22 ans plus tôt, par le film belgo-franco-allemand “Toto le héros” et, en 2018, par le film russe, allemand, belge et français “Faute d’amour”.
La Belgique occupe une place essentielle dans les productions françaises, notamment par l’intermédiaire du Tax Shelter. Ce mécanisme d’optimisation fiscale vise à encourager les entreprises à investir dans des productions culturelles en échange d’un avantage fiscal. Il a été mis en place en 2004 dans le but de favoriser le développement du cinéma et de l’audiovisuel afin de promouvoir la culture belge.
A titre d’exemple, les films « Le Comte de Monte-Cristo » et « L’Amour ouf », nommés pour les Césars 2025, sont deux productions franco-belges qui se sont construites sur ce dispositif. Certaines scènes de l’adaptation du célèbre roman d’Alexandre Dumas ont été filmées aux Lites Studios à Bruxelles, notamment la scène d’ouverture du naufrage et celle de l’évasion d’Edmond Dantès.
D’après nos estimations, sur les 31 films qui ont vu un César être attribué à un belge, au moins 17 avaient été financés par le Tax Shelter prouvant son intérêt pour le cinéma belge.
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Anderlecht : Résister à la peur au quotidien
La nuit tombe sur Clémenceau, plongeant ce quartier d’Anderlecht dans une atmosphère lourde et oppressante. Les commerces ferment les uns après les autres, les grilles métalliques claquant avec un bruit sec. « Excusez-moi, je ferme aussi !« , lance précipitamment le propriétaire d’un restaurant, pressé de rentrer chez lui. Le long de la rue, les commerçants se dépêchent, les enseignes s’éteignent une à une. « Personne ne peut rester après 20 heures, tout peut arriver ici« , avertit Rayan, un Pakistanais connu pour son humour. Mais ce soir, il est sérieux. « C’est une scène inhabituelle dans ce quartier, d’habitude si animé jusqu’à des heures tardives. Ce qui m’inquiète, c’est le chemin pour rentrer chez moi« , confie-t-il.
À quelques mètres de là, un autre commerçant se montre moins alarmiste. « Fermer pour faire quoi à la maison ? C’est une fuite en avant. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’on puisse régler les problèmes de ce quartier en s’enfermant. En fuyant. Nous devons nous unir autour des autorités pour trouver une solution durable« , propose Zayn, déterminé.
Un terreau propice à l’insécurité : densité de population, mixité sociale et difficultés économiquesCes dernières semaines, des événements graves ont secoué les quartiers d’Anderlecht, en particulier Clemenceau. Des tirs d’armes de guerre ont fait un mort et plusieurs blessés. Si de tels incidents n’avaient pas une telle ampleur auparavant, les signes avant-coureurs étaient déjà perceptibles.
« Oui, ces dernières années, des problèmes comme la délinquance, les trafics illicites de drogues et d’armes se sont intensifiés, alimentant des tensions sociales qui couvaient déjà« , explique Amadou, 42 ans, dont onze passés à Clémenceau.
« Il ne faut pas perdre de vue que cette insécurité est lucrative, car des lobbies gagnent beaucoup d’argent. La drogue vient de la ville française de Marseille« , nous confie I.B, 28 ans, ancien dealer de drogue. « J’ai très tôt commencé à m’en procurer et ensuite je suis devenu une sentinelle. Je passais des heures à guetter dans le quartier, et dès que je voyais les policiers s’approcher, j’appelais le Boss. Pour ce travail, je gagnais entre 70 et 100 euros si la marchandise était bien écoulée.«
Résultat : les quartiers d’Anderlecht sont devenus difficiles à vivre. « Je vis un vrai calvaire ici. Je risque de perdre mon travail car, depuis deux semaines, je suis obligé de conduire moi-même mes enfants à l’école, de peur qu’il leur arrive quelque chose. j’arrive toujours en retard au travail. Avant ces fusillades, ils y allaient seuls« , avoue Albert, un père de famille, épuisé par cette situation.
Entre peur et résilience : les habitants face à l’insécuritéDans ce contexte, les habitants de Clémenceau oscillent entre peur et résilience. Certains se barricadent chez eux dès la tombée de la nuit, tandis que d’autres, comme Zayn, appellent à la solidarité et à l’action collective. Les autorités, quant à elles, tentent de répondre à ces défis par une présence policière accrue et des initiatives sociales, mais les problèmes de fond – précarité, exclusion et manque d’opportunités – persistent, laissant les habitants dans une attente anxieuse de changements concrets.
Face à cette situation, les autorités locales, régionales et fédérales ont mis en œuvre plusieurs actions pour améliorer la qualité de vie des habitants et lutter contre l’insécurité. Certaines mesures rassurent, mais d’autres suscitent la colère. « Ce dispositif sécuritaire est franchement exagéré. Nos enfants sont paniqués chaque fois que nous passons devant ces forces de sécurité« , révèle Adrian, un jeune père de famille d’Anderlecht.
Des initiatives pour apaiser les tensions et renforcer la cohésion socialeLes autorités travaillent en partenariat avec des associations locales pour ne pas céder à la peur. Une vie est encore possible, et tout le monde ne quitte pas le quartier. Des médiateurs sociaux et des travailleurs de rue sont déployés pour apaiser les tensions et favoriser le dialogue entre les habitants, les jeunes et les autorités. Ces initiatives visent à renforcer la cohésion sociale et à prévenir les conflits.
Dans plusieurs quartiers d’Anderlecht, comme à Saint-Guidon, les habitants veulent montrer un autre visage d’AnderlechtDans l’après-midi du 27 février, des actions conviviales ont été organisées dans différents endroits comme Aumale, Clémenceau, Peterbos et Saint-Guidon, avec des tables festives placées dans les rues. Objectif ? « Nous réapproprier l’espace public, de recréer du lien et affirmer ensemble que nos quartiers sont avant tout de lieux de vie, de solidarité et de respect« , expliquent les organisateurs de l’initiative « Un moment de pause pour Anderlecht« .
« Nos quartiers ne sont pas des espaces de violences. Non, ce ne sont pas des champs de tirs à l’aveuglette. Il y a mieux que ces dérives éphémères qui surviennent dans bien d’autres cités. On fait seulement de la fixation médiatique sur Anderlecht. Nous sommes tranquilles ici« , explique Omar, un participant à la rencontre joint par Mammouth Média. Ce que confirme Ousmane, un habitant du quartier Aumale. « Tout comme les autres quartiers, il y a de l’ambiance ici, des gens qui rient, qui sont heureux de vivre ici« .
Ces événements qui visent à recréer du lien social et à montrer que, malgré les difficultés, la vie continue et que la solidarité reste un pilier essentiel pour surmonter les épreuves, « vont continuer les 6, 13 et 20 mars de 16 h à 18 h à Aumale, Clémenceau, Peterbos et Saint-Guidon« , a précisé Edurne, membre de l’organisation de cette initiative.
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La Pro League fait peau neuve
Réunis ce jeudi matin dans les locaux de la Pro League pour une nouvelle assemblée générale afin de trouver un accord quant au futur de la Jupiler Pro League, les différents clubs professionnels ont finalement voté en faveur d’une nouvelle formule pour le championnat national. Exit les play-offs, bonjour la phase classique. Le Club Bruges est satisfait, Anderlecht et le Standard ont un avis mitigé, Georges-Louis Bouchez est lui très énervé.
À l’issue d’une réunion qui aura duré environ deux heures, les clubs ont voté. Pour réformer le championnat national, il devait y avoir 33 votes sur 49 en faveur du changement. Selon les informations de La Dernière Heure, cette proposition de formule a récolté 34 voix. Cette nouvelle mouture de notre bonne vieille Pro League entrera en vigueur à l’aube de la saison 2026/2027. Certains clubs auraient souhaité la voir débuter dès la saison prochaine.
Plus concrètement, les play-offs vivront donc leur dernière édition à l’occasion de la saison prochaine. En effet, la D1 belge bascule sur une formule plus traditionnelle avec seulement une phase de ligue pour déterminer le champion. La réforme entérine donc aussi la disparition de la très décriée division des points par deux à l’issue de la phase classique.
Un autre changement majeur est l’augmentation du nombre de clubs présents en première division. Cette dernière sera désormais composée de 18 clubs, contre 16 actuellement. Un total de 34 matchs sera au programme (deux rencontres face à chaque équipe concurrente, une à domicile, une à l’extérieur). Soit une réduction de six rencontres par rapport à la formule actuelle. Cette diminution, qui fait face à l’augmentation incessante du nombre de rencontres internationales voulue par la FIFA et l’UEFA, était réclamée par tous les plus grands clubs de notre championnat.
Pour arriver à ces 18 équipes, les deux premiers de D1B, monteront directement en D1A à l’issue du championnat disputé l’an prochain. Un barrage aura ensuite lieu entre le dernier de D1A et le troisième de D1B. En cas de succès du club de seconde division, la D1A pourrait donc potentiellement voir l’arrivée de trois clubs de Challenger Pro League, l’autre nom de la D1B.
Dans ce nouveau dispositif, quatres équipes U23 disputeront toujours la Challenger Pro League. Elles avaient été intégrées au début de la saison 2022/2023. Les trois formations de jeunes, Anderlecht, Bruges et Genk, qui sont actuellement toujours présentes au sein de cette antichambre (les jeunes du Standard ont été relégués en troisième division à l’issue de la saison dernière) sont d’ailleurs assurées de ne pas descendre au terme du championnat actuel. Cerise sur le gâteau : la direction de Genk a obtenu l’approbation des autres équipes pour que ses jeunes, actuellement derniers en D1B, ne basculent, quoiqu’il arrive, pas au troisième échelon du football belge. Dans ce cas, 17 équipes évolueraient donc au sein de cette Challenger Pro League l’an prochain !
Un compromis qui fait débatGeorges-Louis Bouchez, présent en tant que président des Francs Borains, a été le premier à quitter la réunion. Passablement énervé, celui qui est surtout connu pour être le président du MR, estime que la réforme est une mauvaise nouvelle pour notre championnat : “Alors qu’on avait un très bon modèle qui a permis au football belge d’avancer en termes de ranking, en termes de revenus, on fait finalement le chemin à l’envers. Je ne suis pas favorable.”
Le président des Francs-Borains, passablement énervé contre la réformeDu côté des grands clubs de D1A, le son de cloche est tout autre. Bob Madou, CEO du Club de Bruges, se montre logiquement satisfait tant son club souhaitait une disparition des play-offs : “Je suis satisfait. Ce nouveau format répond à des conditions importantes pour nous. Beaucoup moins de matchs peuvent désormais être reportés et un ancrage de nos équipes de jeunes en Challenger Pro League est garanti.”
Du côté d’Anderlecht et du Standard, le diagnostic est plus réservé. Les deux rivaux historiques du championnat belge espèrent dorénavant pouvoir regarder l’avenir plus sereinement : “Il faut maintenant regarder vers l’avenir. Nous sommes surtout satisfaits qu’il y ait une continuité et une stabilité sûr lesquelles nous allons pouvoir miser pour aller de l’avant avec le football belge”, a déclaré Wouter Vandenhaute, le président anderlechtois. En bord de Meuse, le son de cloche est semblable : “J’espère que nous pourrons maintenant travailler en paix pour l’avenir du football belge. Les playoffs faisaient débat. Comme je le dis, il y a du pour et du contre dans toutes les options. Désormais, un nouveau format est décidé. Il faut donc vivre avec ça et regarder de l’avant”, a enchaîné Pierre Locht, le représentant du club liégeois.
Mehdi Bayat a lui rallié la position de Georges-Louis Bouchez : “Je n’ai jamais été pour le format à 18. Je trouve que les play-offs apportent une excitation particulière. Indescriptible. Cependant, la démocratie l’a emporté et c’est ça le plus important !”
17 saisons de play-offsLe système des play-offs aura donc tenu 17 saisons. Créé en 2010, il avait pour objectif de renflouer les finances des clubs en augmentant le nombre de rencontres, et donc les droits de retransmission. Sa création avait suivi une véritable chute libre en Coupe d’Europe: les clubs belges occupaient alors une triste quatorzième place au classement UEFA et les droits TV, très importants pour financer les différents clubs belges, stagnaient aux environs de 45 millions d’euros (aujourd’hui, ces droits sont remontés à 100 millions d’euros).
Pour remonter la pente, les dirigeants de la Pro League ont réuni les présidents des clubs professionnels afin de trouver une nouvelle formule de championnat. Après de longues journées de négociations, les play-offs ont vu le jour. Le système retenu prévoyait une phase classique de 30 matchs suivie d’un mini-championnat entre six équipes pour déterminer le champion. Durant 7 années, les play-offs auront été décriés, mais aussi encensés. La phase finale aura fait vivre aux supporters des moments intenses de suspense. En 2011, Genk devient champion après une belle bagarre contre le Standard. Zulte Waregem manque de peu son premier titre de champion de Belgique au profit d’Anderlecht en 2013. En 2023, l’Union Saint-Gilloise voit son douzième trophée de son histoire s’envoler vers Anvers par hélicoptère. Tous ces événements ont marqué les fans du championnat belge et resteront dans les annales du football belge.
Ce nouveau format va bouleverser les habitués de notre championnat. Mais peu importe le format, le football belge continuera de transmettre des émotions fortes aux supporters.
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Vers l’éradication du HPV en Belgique ?
En suivant le modèle Suédois ou Autrichien, la Belgique s’est mis l’objectif d’éradiquer le HPV, un virus transmissible sexuellement par contact peau à peau et qui peut provoquer de nombreux cancers. Comment ? En atteignant une vaccination de la population ciblée à 90% d’ici 2030.
En Belgique, et particulièrement en Wallonie, les chiffres liés au papillomavirus humain (HPV) sont préoccupants. Ce virus, très courant, se transmet principalement par contact direct avec la peau ou les muqueuses, notamment lors de rapports sexuels. Il en existe plus de 200 types, et si certains sont bénins et ne provoquent que des verrues, d’autres peuvent causer des cancers, notamment celui du col de l’utérus.
Chaque année, en Belgique, plus de 1.000 nouveaux cas de cancers causés par ce virus sont diagnostiqués . Ces maladies représentent non seulement un défi médical majeur, mais aussi un lourd fardeau social en raison de leur impact sur la qualité de vie et des répercussions psychologiques qu’ils engendrent. Afin d’éviter la contamination, il existe en Belgique un vaccin remboursable jusqu’à 18 ans et administrable à partir de 9 ans.
Ce vaccin est proposé à l’école dès la 2eme secondaire, mais le taux de vaccination total varie considérablement entre la communauté néerlandophone (80% en 2020) et la communauté française (50% en 2023).
C’est dans ce contexte que s’est réunie une table ronde de gynécologues, d’experts et de mandataires politiques à la Chambre ce 27 février 2025. L’objectif : faire bouger le secteur politique afin d’atteindre au mieux un objectif de « 90/90/2030 ». Comprenez : que 90% de la population à risque soit vaccinée et que 90% de cette même population soit dépistée d’ici 2030. Divers projets ont été proposés par les partis politiques wallons, notamment l’implication des pharmaciens pour le MR, le suivi des personnes dépistées pour les Engagés, ou encore plus de soutien à la recherche pour le PS. Il faudra cependant compter sur une cohérence des institutions, qui, on le sait, reste compliquer à organiser dans notre pays.
“Il faut qu’on soit plus efficace en termes de communication”, a affirmé Caroline Désir (PS) après la table ronde. “Réaliser des séances d’infos en début d’année pour rassurer les parents ce n’est pas insoluble. Si on veut atteindre ces 90% il faut mettre les bouchées doubles et je pense qu’il faut créer un lieu qui centralise cette action”. Julie Taton (MR) va dans le même sens : « Je pense qu’il est essentiel de diffuser l’information. Il faut aller à la rencontre des citoyens, leur expliquer l’enjeu, la gravité de la situation, mais surtout leur faire comprendre que l’on a entre les mains une opportunité unique : celle d’éradiquer un cancer grâce à un vaccin. Il existe très peu de cancers que l’on peut prévenir de cette manière, et celui-ci en fait partie. Les gens doivent en prendre conscience, car le taux de mortalité reste encore bien trop élevé« , commente la députée, qui a avoué avoir elle-même été touchée par ce virus il y a une dizaine d’années.
Un objectif 90/90/2030 est donc atteignable, comme l’ont déjà prouvé des pays tels que la Suède et l’Autriche, qui ont atteint une couverture vaccinale à 90%. Inspirée par ces modèles, la Belgique doit désormais traduire les intentions en actions concrètes. La table ronde organisée ce jeudi au Parlement fédéral a mis en lumière l’urgence d’intensifier la sensibilisation et la vaccination, car comme l’ont rappelé experts et politiques, il vaut mieux prévenir que guérir.
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A quand le sprint du cyclisme féminin ?
Photo: Unsplash et Pexels
D’Alfonsina Strada à Lotte Kopecky, le cyclisme féminin a fortement évolué. Aujourd’hui, la Belgique compte deux équipes World Tour. AG Insurance – Soudal, la version féminine du Wolfpack masculin, présentait d’ailleurs son effectif 2025 ce mardi matin à Bruxelles.
En 1924, Alfonsina Strada est devenue la première femme à boucler un Grand Tour (à savoir une épreuve cycliste disputée sur trois semaines). Pour parcourir les 3.610 kilomètres de cette douzième édition du Giro, elle a dû se renommer Alfonsin! En effet, à l’époque, seuls les hommes pouvaient prendre place sur la ligne de départ. Lors de la huitième étape, Alfonsina a chuté et a cassé le guidon de son vélo. Déterminée à terminer, elle est rapidement remontée en selle pour rallier l’arrivée… tellement en retard que les organisateurs ont voulu l’exclure. Face à l’engouement médiatique autour de son exploit, ils revenus sur leur décision, et Alfonsina Strada a donc finalement pu pédaler jusqu’à Milan, pour clôturer ce Giro, même si elle n’a pas été classée officiellement.
Plus de 30 ans plus tard, en 1958, le premier championnat du monde féminin, sur route et sur piste, est organisé. Pour les Jeux Olympiques, les dames doivent attendre l’année 1984 et l’édition de Los Angeles. Et ce n’est qu’en 2010, suite à une pression des coureuses, que les équipes professionnelles voient le jour. Six ans plus tard, l’Union cycliste internationale (UCI) crée une propre division : le Women’s World Tour. Actuellement, celle-ci est composée de quinze équipes venant du monde entier.
En un siècle, le monde du cyclisme féminin a énormément changé. Aujourd’hui, les coureuses professionnelles ont le droit à un salaire minimum et les équipes bénéficient d’un meilleur encadrement.
Une grande boucle à l’histoire chahutéeLa plus grande course du monde, le Tour de France, a également eu beaucoup de mal à accepter les coureuses. Avant le retour du Tour de France Femmes en 2022, tel que nous le connaissons actuellement, de nombreuses tentatives ont échoué. La première a eu lieu en 1955, mais reste sans suite. En 1984, un Tour féminin a été organisé parallèlement à l’épreuve masculine, mais le manque de moyens et de couverture médiatique ont conduit à un nouvel arrêt, en 1989. Trois ans plus tard, une nouvelle tentative a vu le jour, sous l’appellation de Grande Boucle féminine. N’ayant pas la même réputation que son encombrant grand frère masculin, elle a disparu en 2009. En 2014, suite aux pressions des coureuses et du public, Amaury Sport Organisation (ASO), la société organisatrice, lance La Course By Le Tour de France. Cependant, cette épreuve, disputée sur un jour, est encore très loin du prestige du Tour masculin. Il faut attendre 2022, pour voir renaître un véritable Tour de France Femmes. L’édition 2025 se disputera sur neuf étapes et reliera Vannes à Châtel.
AG Insurance – Soudal, symbole de l’essor du cyclisme fémininEn Belgique, deux équipes ont actuellement la licence World Tour : Fenix-Deceuninck et AG Insurance – Soudal. De grands noms tels qu’Ashleigh Moolman, victorieuse à 48 reprises, Justine Ghekiere, vainqueure d’étape et maillot à pois sur le dernier Tour de France Femme, ou encore Urska Zigart, la compagne d’un certain Tadej Pogacar, composent d’ailleurs l’effectif de cette dernière.
Ce mardi 25 février, dans les locaux de son sponsor principal, l’équipe version 2025 a officiellement été présentée. À cette occasion, nous avons tendu notre micro à Kim Le Court. La championne de l’Île Maurice de cyclisme sur route en ligne et en contre-la-montre, nous apporte quelques précisions intéressantes sur l’évolution du cyclisme féminin : “Personnellement, ça fait seulement un an que je suis dans ce monde du cyclisme professionnel, mais j’ai déjà remarqué de vraies améliorations. De nouvelles courses ont été inscrites au calendrier et les retransmissions télévisées se sont améliorées. Cependant, je préférerais que la diffusion de la course intervienne encore plus tôt. Actuellement, on ne voit jamais le début de la course, mais seulement les derniers 60 ou 70 km. C’est triste pour les coéquipières et tout le travail qu’elles effectuent en amont. C’est elles qui te font devenir une gagnante de course.”
Ashleigh Moolman, professionnelle depuis 2010, nous a également apporté son point de vue quant à la médiatisation du cyclisme féminin. Selon elle, beaucoup de changements ont eu lieu récemment. Suite à une exposition télévisée grandissante, les jeunes filles peuvent désormais regarder les courses à la télévision et, pourquoi pas, croire en leur chance si elles sont mordues de vélo.
Il n’en reste pas moins que la diffusion de compétitions sportives, tous sports confondus, reste extrêmement disproportionnée entre les hommes et les femmes. Malgré le fait que la part de diffusion du sport féminin sur nos écrans a triplé ces trois dernières années (passant de 7.6% à 21.1%), le pourcentage de diffusion du sport masculin reste considérablement plus élevé (77.5%). Il reste du progrès à faire…
Source : Arcom 2023 • Apolline Merle – Franceinfo : sport
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Quand les vieux se mettent en colère
Vous les avez peut-être déjà aperçus dans une manifestation ? Le gang des vieux en colère donne de la voix pour de nombreuses causes. Nous avons rencontré ces gangsters qui défendent dans la joie le droit de vieillir dignement.
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